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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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il lui fit un clin d’œil et
s’empara de la valise. Élise regarda ses mains, s’excusa et rentra dans la
maison, hésitant entre disparaître par la porte arrière ou monter dans la
voiture. Elle craignait de ne pas être à la hauteur de la réputation de son
père ni de l’estime que les Vandersmissen avaient eue pour lui.
    – Est-ce que tu vas m’écrire,
Élise ?
    Micheline l’avait rejointe, une pomme dans la
main. Elle enviait sa sœur de partir et ne comprenait pas pourquoi sa mère
avait insisté pour la garder auprès d’elle.
    – Je pense pas. De toute façon, j’aurais
rien à te dire.
    – Si t’as rien à me dire, dis-moi au
moins ce que les animaux racontent. Meuh ! Bêêêê ! Cocorico !
N’importe quoi !
    Devant l’air chagrin de sa sœur, Élise lui
tapota l’épaule et promit d’essayer de trouver le temps de lui envoyer un mot.
    – Je sais pas si tu y as pensé, mais
c’est la première fois de ma vie que j’aurai pas de grande sœur fatigante qui
se prend pour une mère supérieure.
    – J’y ai pensé… T’en profiteras pour
fumer en cachette. Je serai pas là pour te dire que tu pues.
    Rassérénée, Micheline prit son air coquin et
lui offrit la pomme, qu’Élise mit dans sa poche.
    – Pour le voyage.
    Sans plus hésiter, l’aînée ressortit en
s’excusant de s’être fait attendre. À peine avait-elle terminé sa phrase
qu’elle aperçut Conrad faisant le pied de grue dans la ruelle. Elle regarda sa
mère, puis M. Vandersmissen.
    – Est-ce qu’on peut partir tout de
suite ?
    Tous deux furent étonnés de son empressement.
Apercevant Conrad, Micheline le salua de la main et rejoignit sa sœur qui se
hâtait de monter dans la voiture.
    – As-tu vu ton meilleur ? Ma foi, on
dirait qu’il va courir après l’auto…
    Élise la regarda, ulcérée.
    – Peux-tu, pour une fois, une toute petite
fois, te taire ? Tourner ta langue sept fois…
    Micheline, qui n’était au courant de rien,
l’interrompit en susurrant dans son oreille :
    – Pas dans sa bouche à lui, en tout cas.
    Élise lui saisit le bras et chuchota à son
tour, pour ne pas être entendue de sa mère :
    – Vas-tu te fermer le clapet, espèce
d’insignifiante !
    Humiliée, Micheline rougit et se précipita
dans la maison en retenant ses larmes, sans dire au revoir. Élise monta devant,
fit un sourire à sa mère et demanda à M. Vandersmissen de démarrer. Elle
ne se retourna pas, terrorisée à la perspective de voir Conrad courir derrière
eux.

– 5 –
     
     
    Le coup de foudre fut violent. D’abord enivrée
par les parfums qui entraient par les fenêtres des portières, Élise s’abandonna
ensuite à la beauté des champs qui s’étendaient à perte de vue, allant
embrasser les collines affalées sur des terres ocrées. Son cœur s’emballa même
devant les troupeaux de vaches, indifférentes à la vie. L’attrait fut tel
qu’elle demanda à M. Vandersmissen de s’arrêter, ce qu’il fit avec grâce.
Elle sortit, le supplia du doigt de lui accorder une minute, puis se dirigea
vers un fossé où elle cueillit une brassée de fleurs sauvages. « J’en
prends pour toi, papa, pour madame et pour moi. » Elle revint vers
l’automobile, posa les fleurs sur la banquette arrière et, silencieuse, se
rassit aux côtés de M. Vandersmissen, qui lui sourit avant d’embrayer.
    Chaque fois qu’Élise bougeait les pieds, elle
faisait crisser la terre et les cailloux apportés sur le plancher de la voiture
par d’autres chaussures que les siennes. L’automobile, quoique sans ailes
effilées comme celles des nouveaux modèles de Pontiac ou de Chevrolet, était
confortable et propre. Seul le plancher trahissait la campagne.
    – À ce temps-ci de l’année, il y a un
léger parfum de pomme dans l’air, tu ne trouves pas ?
    Elle acquiesça et, réservée, n’ajouta pas que
ça sentait aussi l’ozone et la terre, le fumier et le foin.
    La maison des Vandersmissen n’avait rien de
particulier, hormis un joli balcon qui la ceinturait et des dizaines de vases
de fleurs suspendus à la rampe, accrochés aux colonnes, posés sur les marches
ou à même le sol. Il y avait des pots de grès et des casseroles de fonte, de
vieilles cafetières et même de vieilles bottes dans lesquelles avaient été
plantées de jolies fleurs de toutes sortes. C’était la première maison de
campagne qu’Élise voyait ainsi parée, les autres ayant l’air d’avoir

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