L'abandon de la mésange
suspendue à une tringle métallique, servait de
rideau. Une simple couverture remplaçait le couvre-lit, probablement trop lourd
en été. Au mur, une image pieuse retenue par une punaise, et un diplôme encadré
qui penchait vers la droite sur son clou. Élise entra dans la pièce et redressa
le cadre. Elle se dirigea ensuite vers sa chambre, qui jouxtait celle des
Vandersmissen. Cette dernière était spacieuse, emplie d’imposants meubles dont
elle ne connaissait pas le style. Même les murs, recouverts de papier peint,
avaient un petit air coquet. Tout faisait le plus bel effet malgré la pénombre,
les tentures étant tirées devant la fenêtre pour garder à la pièce sa
fraîcheur.
– Mademoiselle Élise, avez-vous besoin
d’aide ?
Élise pivota sur elle-même, cramoisie,
fautive, crut-elle, jusqu’à la moelle.
– Non, merci, madame. Pardonnez-moi, je
ne voulais pas être indiscrète.
M me Vandersmissen, sans
l’écouter, l’entraîna dans la chambre qui lui avait été assignée. Élise trouva
à celle-ci une fraîcheur de jeune fille et elle demanda à M me Vandersmissen
si elle avait aussi une fille. Un généreux bouquet de fleurs sauvages –
plus joli que le sien – avait été posé sur la commode.
– Non. Nous n’avons qu’un fils. J’aime
avoir une chambre d’amis, sans plus. Mais vous avez l’œil, cette armoire est
celle que j’utilisais quand j’étais jeune fille. Elle est remplie de souvenirs.
En souriant, M me Vandersmissen
ouvrit la porte de l’armoire, qui dégagea une si agréable odeur qu’Élise ferma
les yeux pour la humer.
– Chaque Noël, ma famille m’envoie des
provisions de lavande séchée. Toutes les armoires d’Europe sentent la lavande.
– Ici, elles sentent la boule à mites.
M me Vandersmissen invita Élise
à ranger ses effets et s’assit sur le lit pour lui tenir compagnie. La jeune
fille en fut terriblement intimidée. Elle n’avait pas envie de montrer ses
sous-vêtements et ses provisions féminines. Ne sachant que faire, elle se
réfugia devant la fenêtre. Comprenant son malaise, M me Vandersmissen
vint à son secours.
– En fait, je voulais vous demander s’il
y avait des aliments que vous ne mangiez pas.
– Non, non. J’aime absolument tout.
– Des préférences ?
– Aucune. J’aime tout.
– Alors, pour ce soir, de l’agneau, ça
vous irait ?
– J’adore l’agneau.
– Vous en mangez toujours à Pâques, je
suppose.
– Toujours.
– J’ai bien pensé que c’était le cas.
Votre père aussi aimait beaucoup le gigot.
Satisfaite, M me Vandersmissen
lui tapota gentiment le bras.
– À tout de suite, ma belle demoiselle.
Élise sourit. Elle était aussi menteuse que
son père. Ils n’avaient jamais mangé d’agneau, ni à Pâques, où ils lui
préféraient le jambon, ni le dimanche, où le repas principal consistait en une
énorme poule grillée, quand ce n’était pas un rôti de bœuf ou de veau.
Élise rangea ses effets. Ce faisant, elle
entendit le moteur du tracteur. Elle se plaça aussitôt derrière la dentelle de
sa fenêtre et épia le père et le fils, se demandant si elle avait imaginé le
regard de Côme tourné vers l’étage. Elle recula vivement d’un pas, craignant
qu’il ne la voie. Il était encore plus beau qu’elle ne l’avait espéré. Elle
pensa alors à Micheline et se demanda si elle répondrait oui quand celle-ci,
fidèle à ses obsessions, s’enquerrait si elle avait vu de beaux garçons.
Tenant ses articles de toilette et sa
serviette, elle sortit de la chambre, descendit l’escalier à la hâte,
s’immobilisa quelques instants pour voir si M me Vandersmissen
était visible, ne l’aperçut pas, se faufila dans la salle de bains et ferma la
porte sans faire de bruit. Elle ouvrit le robinet et plaça le bouchon de
caoutchouc, si mangé par le temps qu’il avait perdu son étanchéité. Elle trempa
sa débarbouillette à la hâte et se frotta les joues, le front et le cou. Elle
était de retour à sa chambre avant que Côme n’entre dans la cuisine.
– Élise ?
Il était là ! Elle ouvrit sa porte et
Côme lui fit un sourire si joli qu’elle oublia pendant au moins deux secondes
qu’elle était à L’Avenir et non au premier des sept ciels. Elle repoussa une
mèche indisciplinée, pour se donner une contenance, et sourit à son tour.
– Vous êtes rentrés ?
– Je voulais te dire que ma mère fait les
meilleures chips du
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