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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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monde. La seule chose meilleure que ça, ce sont ses frites.
    Elle ne savait si Côme l’avait vue rougir et
s’il entendait le galop de son cœur. Jamais elle n’avait été si intimidée
devant un garçon. Non seulement était-il le plus beau qu’elle ait jamais
rencontré, mais il avait aussi une voix à trémolos à faire pâlir de jalousie
les oiseaux. Elle musela ses pensées, soupçonnant qu’elle était trop jeune pour
lui. Il devait avoir plus de vingt ans.
    – C’est que je viens de manger un morceau
de cacard et je ne voudrais pas gâter mon souper.
    – À ta guise. À tout à l’heure.
    Élise referma la porte et y appuya son front.
Maintenant il la laisserait pâtir dans les champs… Elle s’allongea pour voir le
confort du matelas et s’assoupit. Elle fut tirée de son sommeil par la voix de
M me  Vandersmissen qui chantait presque son nom, depuis le pied
de l’escalier.
    – Le dîner est servi.
    Élise sursauta. Quelle impolie elle
faisait ! Elle n’avait pas dressé le couvert ni aidé madame à préparer le
souper. Elle s’essuya les dents avec son drap. Elle aurait voulu descendre les
marches à la hâte, mais, dès qu’elle aperçut les jambes de Côme, les siennes
ramollirent.
    – Pardonnez-moi mon impolitesse. Je me
suis endormie.
    Le souper fut excellent et Élise se demanda
pourquoi elle n’avait jamais mangé d’agneau. Au moment où elle s’emparait d’un
torchon pour essuyer la vaisselle, M. Vandersmissen le lui arracha des
mains et Côme l’invita à le suivre.
    – Non, merci. Je veux faire la vaisselle.
Madame ne peut pas se mouiller les mains.
    – Une fois n’est pas coutume, mon petit.
On te torturera demain. Mais aujourd’hui, va voir la ferme.
    Élise suivit donc Côme et marcha derrière lui,
non pas parce qu’elle voulait éviter de parler, mais parce qu’elle venait de
remarquer ses belles épaules – jamais elle n’avait prêté attention à des
épaules – et ses fesses rondes comme les miches de pain posées sur le
comptoir de la cuisine.
    – Tu ne veux pas marcher avec moi ?
    – Oui, oui. C’est que je regarde tout ce
que je vois…
    – La campagne et la ville, c’est pas
pareil !
    Elle ne répondit rien. Ils entrèrent dans le
premier bâtiment et Côme lui glissa un panier au bras.
    – C’est pour les œufs. Habituellement, ma
mère fait ça le matin, mais depuis qu’elle s’est blessée, je le fais le soir.
Avant d’accepter, elle m’a dit : « Sache, mon fils, que le jour où je
ne pourrai plus me pencher pour ramasser mon repas, aussi bien m’empresser de
devenir engrais moi-même. »
    Côme avait imité à la perfection le ton de sa
mère. Élise souriait. Les poules s’effarouchèrent et allèrent se percher près
des endroits où elles pondaient.
    – Va les prendre.
    Élise tendit le bras, qu’une poule picora.
    – Aïe !
    – Pas grave !
    Elle prit alors un œuf chaud et mou dans sa
main.
    – Oh ! C’est tellement…
    Elle ne savait que dire. Comment aurait-elle
pu exprimer à un fils de la terre qu’elle prenait la vie toute chaude dans ses
mains pour la première fois ?
    – On est des maraîchers, mais on garde
aussi des animaux. Deux vaches pour le lait, la crème, le yogourt et le beurre.
Aussi pour les deux veaux qu’elles nous donnent chaque année grâce au taureau
du voisin. Des poules pour les œufs, le bon bouilli et le pâté. Quelques
agneaux. Des cochons. Seulement ce qu’on peut manger.
    Élise regarda se poser au sol les derniers
duvets, les poules s’étant calmées. Elle porta le panier sur la galerie de la
maison et vint rejoindre Côme. Ils pénétrèrent alors dans un autre bâtiment, où
il lui tendit un torchon pour qu’elle s’essuie les mains. Elle le lui rendit aussitôt
et il le lança sur un clou planté dans une vieille planche.
    Le jeune homme fit glisser une grande porte
qui émit craquements et gémissements. S’assoyant sur le siège d’un tracteur, il
invita Élise à se percher derrière lui, ce qu’elle fit en souriant pour cacher
sa maladresse à grimper, empêtrée qu’elle était dans sa jupe.
    – J’espère que tu as apporté des
jeans ?
    – Pas des jeans ; un pantalon black
watch .
    Il éclata de rire en répétant :
« Ah ! Outremont, ses belles coquettes en jupe ! » Élise
trouva le courage de répondre, sur le même ton : « Ah ! L’Avenir
et ses beaux haïssables en salopette ! » Puis elle se tut, souhaitant
qu’il

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