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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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celui-ci
allait commencer par un incommensurable chagrin. Côme ne se portait guère
mieux, ironisant sur sa prétendue grande maturité.
    M. Vandersmissen partit pour la gare
tandis que sa femme achevait les préparatifs du dîner. Elle avait tué et fait
cuire un chapon aussi gros qu’une dinde. Tous les légumes provenaient du
potager et elle avait bien l’intention de vanter les mérites d’Élise, qui avait
travaillé autant qu’un homme, même si, les derniers jours, elle l’avait souvent
confinée à la cuisine pour faire les conserves avec elle.
    Pendant qu’Élise s’essuyait les mains à son
tablier, véritable menu de la semaine, M me  Vandersmissen lui
offrit de lui lire les lignes de la main. Elles s’assirent donc sur les marches
du perron, faisant une pause entre deux blanchiments de tomates.
    – Ah ! mon petit, depuis le temps
que j’en ai envie !
    Elle ponctua son observation de
« hum ! », de « hon ! » et de
« ah ! ». Élise fronçait les sourcils, craignant évidemment le
pire.
    – Voilà, mon petit, je ne vous apprendrai
rien si je vous dis que vous avez le cœur sur la main.
    Élise eut un rire nerveux.
    – Ligne de chance, ça va, normale. Votre
ligne de vie est très belle. Vous allez certainement passer les septante ans,
peut-être même les octante, et, bonne nouvelle, vous n’aurez pas de problèmes
de santé.
    Élise mourait d’envie d’interroger M me  Vandersmissen
sur ses amours, mais elle se retint.
    – Voulez-vous faire des études,
Élise ?
    – Oui, c’est certain.
    – Ah bon ! Je ne vois pas d’études
supérieures, mais je peux me tromper. Par contre, je vois deux beaux enfants.
    Élise éclata de rire.
    – Ça, je sais. Des jumelles.
    – Vous savez ça, vous ?
    M me  Vandersmissen souriait.
Élise se tapota le ventre du bout des doigts.
    – Ici, je le sais. Un ami de mon père m’a
dit que j’étais peut-être une sorcière. Il faut dire qu’il vient d’Haïti.
    – Ah bon ! Peut-être a-t-il raison.
Je pense qu’en Haïti il y en a plus qu’ici, des sorcières. De toute façon, nous
le saurons bien assez vite parce que je vois que vous aurez vos enfants très
jeune.
    – Quand ?
    – Vous avez dix-huit ans ?
    – Oui, depuis juillet.
    – Dans un an, peut-être deux. Moi, si
j’étais vous, je me retiendrais.
    Élise retira sa main. Elle ne croyait plus à
la science de M me  Vandersmissen. Elle la voyait maintenant
plutôt comme une mère qui lui passait un message. Gentiment, certes, mais elle
lui avait quand même servi un avertissement. M me  Vandersmissen,
ayant vu pâlir la confiance d’Élise, lui sourit avec tendresse.
    – Je sais que vous vous aimez, Élise.
Soyez prudente.
    Le sens de cette mise en garde échappa à
Élise, qui retourna aux mannes de tomates.
    – Élise, vous aurez une très belle vie.
    La jeune fille se contenta de répondre qu’elle
l’espérait.
     
    * * *
     
    Élise s’apprêta à dresser le couvert dans la
cuisine.
    – Attendez, mon petit. Ce n’est pas un
repas ordinaire. Nous recevons votre bonne maman et votre jeune sœur.
    M me  Vandersmissen déroula une
nappe si finement et joliment brodée qu’Élise n’osa pas y toucher.
    – Je n’ai jamais vu une aussi belle
broderie, ni au couvent ni dans les églises.
    – Si vous trouvez que cette nappe est
belle, mon petit, vous pouvez imaginer ma robe de mariée. Ma grand-mère avait
un don pour la dentelle à fuseaux. Et mon voile, je ne vous dis pas… Nos
vieilles femmes belges produisaient des chefs-d’œuvre pour se faire pardonner
de jaser.
    – Avez-vous appris ?
    – Oui, mais je n’ai jamais sorti mes fuseaux
des malles ! Mes doigts sont maintenant tellement abîmés que j’en
accrocherais les fils.
    Elle agita son doigt encore coloré, quoique
délesté de son bandage. Élise comprit que M me  Vandersmissen
éprouvait quelque regret, même si elle n’en souffla mot en sortant les
serviettes de table d’un des tiroirs du buffet.
    Élise n’ajouta rien, le cœur trop occupé. Sa
mère allait entrer dans un coin secret de son cœur et elle ne savait comment
l’y accueillir. Elle avait encore moins envie d’entendre les sottises de sa
sœur. Elle avait aimé chaque seconde de son séjour et avait regoûté au bonheur
de vivre autrement qu’en orpheline. Elle avait côtoyé un père qui parlait trop
fort, trop souvent, avait une opinion sur tout et sur rien, et une mère qui ne
cessait de

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