Labyrinthe
l'archéologue. Je l'aurais fait moi-même si je ne partais pas demain à la première heure. Je n'ai aucune raison de m'attarder.
— De quoi s'agit-il ?
— Je sais qu'avant le début des fouilles Shelagh a rendu visite à des amis, à Chartres. L'idée m'est venue qu'elle aurait pu y retourner sans prévenir personne. »
Aux yeux d'Alice, c'était de l'histoire ancienne. Mieux que rien, cependant.
« Je leur ai donc téléphoné. Le garçon qui m'a répondu m'a assuré que le nom d'O'Donnell lui était inconnu. Pourtant, je suis certain du numéro que Shelagh m'a communiqué. Je l'ai enregistré dans mon téléphone. »
Alice s'empara d'un crayon et d'une feuille de papier.
« Donne-le-moi, j'irai les voir », décida-t-elle.
Sa main se crispa.
« Excuse-moi, Steve, veux-tu répéter, s'il te plaît ? reprit-elle d'une voix qui lui semblait étrangère.
— C'est le 02 68 72 31 26, répéta-t-il. Préviens-moi si tu as des nouvelles. »
Alice n'en croyait pas ses oreilles. Le numéro de téléphone était le même que celui que Biau lui avait communiqué.
« Laisse-moi faire, dit-elle distraitement. Je te tiendrai informé. »
Alice savait qu'elle aurait dû avertir Noubel, lui parler du faux cambriolage et de sa rencontre avec Biau. Elle hésitait, pourtant. Elle n'était pas sûre de pouvoir se fier au policier. Il n'avait pas levé le petit doigt pour arrêter Authié.
Elle fouilla dans son sac pour y prendre sa carte routière.
C'est une idée folle. Cela représente au moins huit heures de voiture.
Une pensée faisait son chemin. Elle alla consulter les documents qu'elle avait imprimés à la bibliothèque de Toulouse.
Parmi les monceaux d'informations recueillies sur la cathédrale de Chartres figurait une allusion au Saint-Graal. Là-bas aussi il y avait un labyrinthe. Elle retrouva le paragraphe qui en faisait mention. Elle le lut deux fois afin de s'assurer d'en avoir bien saisi le sens, puis s'installa devant l'écritoire et ouvrit le livre de Baillard à la page marquée.
…allant même jusqu'à prétendre que le Graal s'y trouve encore. D'aucuns suggèrent même que les cathares furent les gardiens de la coupe du Christ…
Ainsi, on avait bien enlevé le trésor cathare de Montségur. Pour le pic de Soularac ? Alice consulta la carte routière : Montségur n'était pas si loin des monts Sabarthès. Et si le trésor s'y trouvait ?
Quels liens existent entre Chartres et Carcassonne ?
Elle perçut au loin les premiers grondements du tonnerre. La chambre était à présent nimbée de l'étrange lueur orange dispensée par les lampadaires repoussant les ténébreux assauts des nuages. Le vent s'était levé, secouant les croisées et balayant les parkings de leurs détritus.
Comme Alice tirait les rideaux, des gouttes de pluie grosses comme des pois vinrent s'écraser sur les vitres. Elle aurait aimé partir, sauf qu'il se faisait tard et qu'elle n'avait aucun désir d'affronter les éléments.
S'étant assurée que toutes les ouvertures étaient bien verrouillées, elle régla son réveil et s'allongea tout habillée sur le lit pour attendre le matin.
Au début tout était semblable, familier, apaisant. Elle flottait dans un monde sans substance, transparent et silencieux. Puis, comme une trappe s'ouvrant sous un gibet, elle avait un sursaut et tombait à pic à travers le ciel vers le flanc de montagnes boisées.
Elle savait où elle était : à Montségur, au début de l'été.
Dès que ses pieds touchaient le sol, elle se mettait à courir sur un layon abrupt et caillouteux, entre des arbres denses dont la cime culminait très au-dessus d'elle. Elle s'agrippait aux branches pour ralentir sa course, mais ses mains ne saisissaient que des lambeaux de feuilles, ne laissant que quelques traces vertes sur le bout de ses doigts.
Sous ses pas, le sentier devenait plus escarpé. Alice se rendait compte que la pierre et la roche avaient remplacé le lit de mousse et de brindilles sur lequel elle avait atterri. Autour d'elle, tout demeurait silencieux. Pas un appel, pas de chant d'oiseau. Rien d'autre que le halètement précipité de sa respiration.
Le layon tournait sur lui-même en de nombreux méandres, l'envoyant ici et là, jusqu'à ce qu'à un détour, elle vît se dresser devant elle un rideau de feu lui interdisant d'avancer. Elle levait les mains pour protéger son visage des flammes multicolores qui tournoyaient dans l'air comme les algues d'un
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