Labyrinthe
après-midi dans un appartement rempli d'amis d'université d'Oliver. Elle se rappelait un jeune Américain, aimable, avenant, encore qu'à cette époque-là, elle fût éprise d'Oliver au point de n'avoir d'yeux que pour lui.
C'est lui ?
« Vous avez une excellente mémoire, sourit-elle en lui serrant la main. Cela remonte à longtemps.
— Vous n'avez guère changé, répondit-il en lui rendant son sourire. Comment va Oliver ? »
Alice esquissa une grimace.
« Nous nous sommes séparés.
— Dommage. » Il y eut un petit silence qu'il finit par rompre : « Qui est sur la photo ? »
Alice baissa les yeux. Elle avait oublié qu'elle la tenait encore entre ses mains.
« Ma tante. Je suis tombée dessus en triant ses affaires, et comme je me trouvais dans le coin, j'ai voulu voir l'endroit où elle a été prise. Ça s'est révélé plus difficile que vous pouvez l'imaginer. »
Will se pencha par-dessus l'épaule d'Alice.
« Et qui est l'homme ?
— Un ami écrivain. »
Nouveau silence, comme s'ils voulaient poursuivre la conversation sans trop savoir que dire. Will observa de nouveau la photographie.
« Jolie femme.
— Vous trouvez ? Elle me donne l'impression d'être très obstinée. Enfin, je n'en sais rien, puisque je ne l'ai jamais rencontrée.
— Vraiment ? Alors comment se fait-il que vous ayez cette photo sur vous ? »
Alice rangea la photographie dans son sac.
« C'est compliqué.
— Je sais ce que ça signifie… » répliqua-t-il. Il hésita. « Écoutez, que diriez-vous d'aller prendre un café ? Si vous n'avez rien de mieux à faire, bien sûr. »
Alice fut étonnée, même si elle avait eu la même idée.
« Avez-vous l'habitude d'aborder les femmes seules ?
— Pas du tout. La vraie question est de savoir si vous avez l'habitude d'accepter. »
Alice avait l'impression d'assister à la scène du dehors : un homme, accompagné d'une femme qui lui ressemblait, entrant dans une pâtisserie à l'ancienne et défilant devant des comptoirs réfrigérés regorgeant de gâteaux et de viennoiseries.
Je n'arrive pas à y croire.
Visions, odeurs, bruits. Les serveurs apportant, remportant des arômes amers de café, sifflement du percolateur quand ils faisaient chauffer du lait, tintement des couverts sur les assiettes. Tout était extrêmement net, surtout Will et sa façon de sourire, son mouvement de tête, la manière dont ses doigts trituraient sa chaîne quand il parlait.
Ils s'installèrent à une table, dehors, les flèches de la cathédrale émergeaient à peine des toits. Une sorte de gêne les saisit une fois qu'ils furent assis. Ils parlèrent en même temps. Alice se prit à rire, Will à s'excuser.
Prudemment, ils commencèrent, hésitants, à se raconter leur vie depuis leur dernière rencontre, neuf ans auparavant.
« Vous sembliez vraiment captivé, dit-elle en tournant le journal de sorte à pouvoir en lire les manchettes. Vous savez, quand nous nous sommes télescopés au coin de la rue.
— Oui, j'en suis navré, s'excusa-t-il encore. D'habitude, les journaux du cru ne sont pas très intéressants. Mais un homme a été retrouvé dans l'Eure, en plein centre-ville. On l'a poignardé dans le dos, il était pieds et poings liés. La radio en a fait tout un plat. Il semblerait que ce soit une sorte de meurtre rituel lié à la disparition d'une journaliste qui avait écrit un article sur les pratiques des sociétés secrètes. »
Le sourire jusqu'alors accroché aux lèvres d'Alice s'effaça de son visage.
« Puis-je y jeter un coup d'œil ?
— Naturellement. Allez-y. »
Une sorte de malaise afflua, tandis qu'elle prenait connaissance de certains noms. La Noublesso Véritable . Celui-là ne lui était pas étranger.
« Ça va ? »
Levant les yeux du journal, Alice se rendit compte que Will l'observait.
« Désolée, dit-elle. J'avais l'esprit ailleurs. J'ai vécu quelque chose de semblable récemment. La coïncidence m'a donné un choc.
— Coïncidence ? Vous m'intriguez.
— C'est une longue histoire.
— Je ne suis pas pressé », répondit Will en s'accoudant sur la table avec un sourire engageant.
Après avoir été si longtemps captive de ses propres pensées, Alice était tentée par l'occasion qui lui était donnée de s'en ouvrir enfin à quelqu'un. En quelque sorte, ils se connaissaient. Tu n'as qu'à lui dire uniquement ce que tu juges nécessaire.
« Eh bien, je ne suis pas certaine que cela vous
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