Labyrinthe
blasphématoires ? C'est une offense à Dieu !
— Je vous interdis de parler d'elle de cette façon ! » gronda le jeune homme en portant la main à la poche de son veston.
Authié s'esclaffa.
« C'est ça. Téléphonez-lui. Elle vous conseillera sur ce que vous devez faire et penser. Surtout ne faites rien sans la consulter. »
Il tourna les talons et commença à regagner sa voiture. Le déclic du cran de sécurité ne lui parvint que quelques secondes avant qu'il en comprît la nature. Incrédule, il se retourna, trop lentement cependant. Il entendit le claquement d'une, puis, presque simultanément, d'une seconde détonation.
Le premier projectile le rata de très loin. Le second, qui le toucha à la cuisse, la traversa de part en part en faisant éclater le fémur. Authié s'effondra en hurlant, alors qu'une violente douleur se répandait dans son corps.
François-Baptiste s'approchait de lui en serrant son arme à deux mains. Authié esquissa par terre quelques mouvements de reptation en laissant une traînée de sang sur les gravillons, mais le jeune homme eut tôt fait de le rattraper pour le dominer de toute sa hauteur.
Ils s'affrontèrent un instant du regard, puis François-Baptiste tira une troisième fois.
Alice sursauta.
Le bruit des détonations déchira le silence de la montagne. Il rebondit sur les rochers pour se répercuter autour d'elle.
Son cœur s'accéléra. Elle n'arrivait pas à situer la provenance des coups de feu. Chez elle, en Angleterre, elle aurait compris qu'il ne s'agissait que d'un lapin ou un corbeau.
Ça ne ressemble pas à un bruit d'arme à feu.
Elle sauta sur le sol aussi discrètement que possible et scruta l'obscurité vers l'endroit où elle pensait que se trouvait le parking. Une portière claqua. Des voix transportées par le silence parvinrent jusqu'à elle.
Que fait donc Audric ?
Si loin qu'ils fussent, elle sentait leur présence. De temps à autre, elle entendait le bruit d'un caillou roulant sous leur pas, tandis qu'ils escaladaient le sentier. Le craquement d'une branche morte.
Alice se rapprocha de l'entrée de la grotte, en lançant des coups d'œil désespérés à l'intérieur du tunnel, comme si la force de sa volonté suffisait à faire sortir Baillard.
Pourquoi ne vient-il pas ?
« Audric ? souffla-t-elle. Quelqu'un arrive. Audric ? »
Seul le silence lui répondit. À la vue du tunnel s'étirant vers les ténèbres, son courage vacilla.
Tu dois le prévenir.
Priant le ciel de n'avoir pas trop tardé à réagir, elle se précipita vers la grotte au labyrinthe.
78
Los Seres
M ARÇ 1244
Malgré les multiples blessures de Sajhë, ils allèrent bon train, longeant la rivière plein sud, à partir de Montségur. Ils n'avaient qu'un maigre bagage, et les quelques haltes qu'ils s'autorisaient ne servaient qu'à prendre un bref repos et laisser s'abreuver les chevaux. En voyant la façon dont s'y prenait son compagnon de voyage pour briser la glace à coups d'épée, Guilhem se rendit compte qu'en matière de maniement d'armes Sajhë le surpassait largement.
Du passé de Servian, il ne savait que peu de chose, sinon qu'il était devenu le messager des parfaits des villages isolés des Pyrénées et qu'il pourvoyait en renseignements les combattants rebelles à l'occupant. À l'évidence, l'homme connaissait chaque passage, chaque crête, le moindre sentier sillonnant bois, gorges ou plaines.
Nonobstant, Guilhem était aussi conscient de l'invincible aversion que nourrissait Sajhë à son endroit, qui lui faisait sur la nuque l'effet d'un soleil ardent. Sajhë était notoirement connu pour sa loyauté, sa bravoure, sa capacité à mourir pour défendre ses convictions. Malgré son animosité, il comprenait fort bien pourquoi Alaïs s'était éprise de cet homme au point de lui donner un enfant, même si cette pensée lui transperçait le cœur comme une lame.
La bonne fortune les accompagnait, car il n'avait pas neigé au cours de la nuit. Ce dix-neuvième jour de mars était lumineux, avec peu de nuages et presque pas de vent.
Sajhë et Guilhem parvinrent à Los Seres au crépuscule. Le village était niché dans une petite vallée isolée où, malgré le temps froid, les prémices du printemps perçaient timidement. Aux abords du village, les arbres se constellaient de vert et de blanc, alors que les premières fleurs pointaient discrètement sur le talus du sentier conduisant aux premiers hameaux. Le village semblait
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