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Labyrinthe

Labyrinthe

Titel: Labyrinthe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Kate Mosse
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s'installait. Sur le pavé, des marchands de vin observaient les apprentis qui dans un bruit de tonnerre roulaient des barils en direction de la taverne, se bousculant, rivalisant pour y arriver les premiers. Des cortèges de charrettes avançaient poussivement dans des craquements de ridelles surchargées et des grincements de roues mal graissées.
    Sajhë connaissait tous les raccourcis de la Cité. Aussi se glissa-t-il habilement dans la presse, jouant des coudes et des genoux, se faufilant entre chèvres et moutons, les ânes et les mulets surchargés de marchandises et de paniers, les cochons trottinant mollement à travers les rues étroites. Un garçon au visage peu amène, plus âgé que lui, conduisait indolemment un troupeau d'oies qui cacardaient bruyamment, en lançant des coups de bec à deux fillettes apeurées. Sajhë leur décocha une œillade pour les faire sourire, puis marcha sur le plus agressif des volatiles en agitant les bras pour l'effrayer.
    « Où te crois-tu ? protesta avec hargne le jeune gardien d'oies. Va donc au diable voir si j'y suis ! »
    Les gamines se mirent à pouffer. En réponse, Sajhë produisit un cacardement moqueur, et se retourna au moment où un jars, cou tendu, lui sifflait sa colère au visage.
    « Bien fait pour toi, espèce d'idiot ! » lança le garçon.
    Sajhë recula pour éviter le coup de bec.
    « Tu devrais mieux surveiller ta volaille, riposta-t-il.
    — Y a que les pleutres pour avoir peur comme ça, ricana l'autre en toisant Sajhë. Le pauvre nenno 1 a peur d'oies inoffensives, pas vrai ?
    — Je n'ai point peur, protesta Sajhë en montrant les deux fillettes réfugiées dans les jambes de leurs mères. Elles, si. Tu devrais prendre garde à ce que tu fais.
    — Et avec toi, qu'est-ce qu'y faudrait que j'fasse, è ?
    — Je te dis simplement de prendre garde. »
    Le jeune gardien s'approcha du garçon, la badine haute.
    « Et qui va m'y contraindre, toi, peut-être ? »
    Il dépassait Sajhë d'une tête. Son corps était couvert d'ecchymoses, preuve que les horions étaient son lot quotidien. Sajhë recula d'un pas, la main levée en manière de conciliation.
    « Je te demande : qui va m'y obliger ? » reprit le gardien d'oies, déjà prêt à un échange de coups.
    L'algarade aurait tourné au pugilat sans la présence d'un ivrogne qui, jusqu'alors affalé contre un mur, se leva en tonitruant, enjoignant les deux garçons de passer leur chemin et le laisser en paix. Sajhë profita de cette diversion pour s'éclipser.
    Culminant au-dessus des toits, le soleil découpait par les rues des carrés de lumière. Sous l'appentis du maréchalferrant, les fers à cheval pendus à leur clou lançaient de brefs éclairs. Quand Sajhë s'approcha, la chaleur de la forge lui fit l'effet d'un brûlant soufflet.
    Une foule d'hommes attendaient devant l'enclume, entourés de jeunes écuyers, qui portant le heaume, qui l'écu, qui le haubert de son chevalier, toute pièce d'armure requérant les soins d'un forgeron. Le garçon vint à penser que celui du château avait sûrement de l'ouvrage par-dessus la tête.
    Son sang et sa classe ne lui en donnaient pas le droit, et cependant, Sajhë rêvait depuis toujours d'être un chevalier portant ses propres couleurs. Aussi adressa-t-il un sourire amical à quelques écuyers de son âge, pour n'obtenir en réponse – comme il en avait toujours été et comme il en serait toujours – qu'un regard absent niant son existence.
    Sajhë tourna les talons et s'éloigna sans insister.
    Les marchands étaient, pour la plupart, habitués des lieux, et chacun détenait sur le marché une place attitrée. La première odeur qui frappa Sajhë fut celle de la graisse animale que l'on faisait chauffer. Il s'attarda devant un étal où cuisaient des pâtés que le marchand retournait sur une grille, puis replongeait dans l'huile bouillante. Le fumet de soupe épaisse aux haricots, et l'arôme succulent du mitadenc , pain d'orge et de blé, aiguisèrent son appétit. Il longea sans s'arrêter les éventaires de vêtements de laine, de boucles et de poterie, de cuirs et de peaux, ceux où se vendaient les produits du cru mais aussi les bourses et les ceintures importées de Cordoue et de plus loin encore. Après une pause devant un éventaire de coutellerie, il se dirigea vers le coin de la grand-place où l'on parquait les animaux vivants. Dans des cages exiguës se pressaient poulets et chapons, parfois des alouettes et des

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