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Labyrinthe

Labyrinthe

Titel: Labyrinthe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Kate Mosse
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roitelets au chant mélodieux. De tous ces animaux, il préférait les lapins, serrés l'un contre l'autre en une boule indéfinissable de blanc, de noir et de brun.
    Passé les éventaires de sel et de grains, de bière et de vin en tonneau, il parvint devant celui exclusivement dédié aux herbes et aux épices. Le marchand qui le tenait ressemblait à un géant. La tête enturbannée de soie, il était revêtu d'une longue robe bleue aux reflets moirés. Des babouches rouge et or, à bout recourbé, rutilaient à ses pieds. Sa peau était d'un noir comme Sajhë n'en avait jamais vu, plus sombre encore que celle des Gitans venus par la montagne de Navarre et d'Aragon. Il en conclut que ce devait être un Sarrasin, même s'il n'en avait jamais rencontré de sa vie.
    L'homme avait disposé ses produits en un cercle où le vert avoisinait le jaune, l'orange le rouge, l'ocre le brun. Si l'on reconnaissait au premier coup d'œil le romarin et le persil, l'ail, la lavande et le souci, l'arrière de l'éventaire proposait des épices plus recherchées, comme la cardamome, la noix de muscade et le safran. Sur les autres, Sajhë ne parvint pas à mettre un nom, mais se promit intérieurement de rapporter à sa grand-mère ce qu'il avait vu.
    À peine s'approchait-il pour observer de plus près ces mystérieuses épices que le Sarrasin poussa un terrible rugissement. Sa large main se referma brusquement sur le poignet d'un tire-laine qui tentait de lui distraire la bourse pendue à sa ceinture. Le saisissant par la tête, il l'envoya rouler sur une femme qui se mit à pousser des cris d'orfraie. L'instant d'après, un attroupement s'était formé.
    Peu désireux d'être mêlé à l'affaire, Sajhë préféra s'éloigner.
     
    Il poursuivit sa promenade sur la grand-place vers la taberna Sant Joan dels Évangèlis . Besogneux comme à l'ordinaire, il songeait aller y proposer ses talents de coursier en échange d'un gobelet de brout 2 , quand il entendit quelqu'un l'appeler par son prénom.
    C'était Na Marti, une amie de sa grand-mère qui, assise auprès de son époux, lui adressait des signes pour attirer son attention. Elle était tisserande et lui cardeur. D'une semaine à l'autre, on les trouvait au même endroit, filant et cardant la laine.
    Sajhë leur rendit leur salut. À l'instar d'Esclarmonde, Na Marti était une adepte de l'Église nouvelle. Si Sénher 3 Marti se disait non-croyant, à Pentecôte, il n'en avait pas moins suivi sa femme à la demeure d'Esclarmonde pour écouter le sermon des Bons Homes 4 .
    Na Marti ébouriffa affectueusement les cheveux du garçon.
    « Comment vas-tu, jeune damoiseau ? Tu as tellement grandi, ces derniers temps, que j'ai failli ne pas te reconnaître.
    — Fort bien, merci, répliqua-t-il avant de se tourner vers le mari qui cardait la laine sur des écheveaux : Bonjorn, Sénher .
    — Et qu'en est-il d'Esclarmonde ? poursuivit la femme. Est-elle toujours bien allante ? Veille-t-elle toujours au grain, comme à son habitude ?
    — Toujours égale à elle-même, dit le garçon en souriant.
    — Ben, ben … »
    Saghë prit place à ses pieds et, les jambes croisées en tailleur, l'observa faisant tourner son rouet.
    « Dites, Na Marti, demanda-t-il après un silence. Pourquoi ne venez-vous plus prier avec nous ? »
    Sénher Marti suspendit son geste pour échanger avec sa femme un regard entendu.
    « Oh, tu sais comment vont les choses, répondit évasivement cette dernière en évitant le regard du garçon. Nous nous sommes tant affairés, ces derniers jours. Nous ne pouvons faire le voyage jusqu'à Carcassona aussi souvent que nous le voudrions. »
    Réajustant sa bobine, elle continua de tourner en silence son rouet dont le couinement régulier ponctuait le malaise qui venait de s'installer.
    «  Menina dit que vous lui manquez.
    — Elle me manque aussi. Mais des amies ne peuvent rester constamment ensemble. »
    Sajhë se rembrunit.
    « Mais alors pourquoi… »
    Sénher Marti lui assena une tape sur l'épaule :
    « Ne parle donc point si fort, gronda-t-il à voix basse. Mieux vaut garder pour nous ce genre de propos.
    — De quels propos parlez-vous ? s'étonna le garçon, perplexe.
    — Je t'ai ouï, Sajhë, grinça l'homme, jetant des regards inquiets par-dessus son épaule. Toute la place t'a entendu. À présent, plus un mot sur ces prières, è ?  »
    Saghë se leva, confus d'avoir suscité l'ire de sénher Marti. Na s'adressa alors à son mari,

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