Labyrinthe
centre-ville, afin d'y trouver un endroit pour la nuit.
Le voyage s'était passé en un éclair. Dans sa tête, se bousculaient encore les images des squelettes et du couteau posé entre eux, du visage hâve qui l'observait dans une pâle lumière grise, du corps étendu devant l'église de Foix. Était-il mort ?
Et le labyrinthe… Elle finissait toujours par y revenir. Alice en était à se dire qu'elle souffrait de paranoïa, que tout cela n'avait rien à voir avec elle. Tu étais seulement au mauvais endroit au mauvais moment. Elle avait beau se le répéter, elle ne parvenait pas à y croire.
Elle se débarrassa de ses chaussures d'une secousse et s'étendit tout habillée sur son lit. La chambre respirait le bon marché : objets de plastique informes, meubles en faux bois, linoléum. Les draps, trop amidonnés, irritaient la peau comme du papier de verre.
De son sac à dos elle sortit la bouteille de « pur malt » dont il restait quelques doigts et, contre toute attente, sa gorge se serra. Elle avait gardé ce whisky pour sa dernière nuit sur le site. Elle tenta de joindre Shelagh. En vain. Son téléphone était toujours branché sur le répondeur. Réprimant son irritation, elle laissa un nouveau message en espérant que son amie finirait par cesser ce jeu idiot.
Alice prit deux comprimés d'analgésique qu'elle avala avec une gorgée de whisky, puis regagna son lit et éteignit la lampe. Malgré son extrême fatigue, elle était incapable de se détendre. Elle avait des élancements dans le crâne, son poignet était brûlant et enflé, tandis que son bras blessé la mettait au supplice.
La chambre ressemblait à une étuve. Après s'être cent fois retournée dans son lit, après que les cloches eurent sonné minuit, une heure, elle décida d'aller ouvrir la fenêtre, histoire de s'aérer un peu l'esprit. Peine perdue. Ses pensées ne cessaient de la harceler. Elle tenta d'imaginer des eaux turquoise et des plages de sable blanc, des baies aux Caraïbes et des couchers de soleil hawaiiens, quand son esprit la ramenait infailliblement au rocher gris, à l'air glacial du souterrain.
Elle craignait de s'endormir. Et si son rêve revenait ?
Les heures s'étirèrent. Elle avait la bouche sèche et son cœur vacillait sous l'effet du whisky. Elle dut attendre que l'aube se glissât entre les bords élimés du rideau pour que le sommeil prît enfin le dessus.
Cette fois, le rêve fut différent.
Elle parcourait un paysage de neige sur un cheval alezan, à la robe drue et luisante, dont la crinière et la queue étaient tressées de rubans rouges. Pour vêtement, elle portait sa plus belle tenue de chasse : une longue cape et sa pelisse, assorties d'une coiffe en poil d'écureuil, sans oublier les gants bordés de martre, qui lui montaient jusqu'aux coudes.
Un homme caracolait à ses côtés sur un hongre gris. Un animal bien plus grand et plus puissant que le sien, qui le contraignait à tenir la bride courte pour l'empêcher de galoper. Ses cheveux bruns lui descendaient jusqu'aux épaules et sa cape de velours bleu flottant au vent révélait la dague qu'il portait à la ceinture. À son cou, une chaîne ornée d'une pierre verte bringuebalait sur sa poitrine au rythme de sa monture.
Il observait sans cesse Alice avec un sentiment gonflé d'orgueil et de possession. Entre eux, le contact était fort, intime. Alice s'agita et sourit dans son sommeil.
Quelque part, le son du cor, aigu et long, montait dans le ciel hivernal, signalant que les chasseurs venaient de forlancer un loup. Alice savait que c'était en décembre, un mois bien particulier, et qu'elle était heureuse.
Puis la lumière changeait.
Elle se trouvait brusquement seule, au cœur d'une forêt inconnue et dense, aux arbres gigantesques. Leurs branches dénudées se contorsionnaient sur un ciel couleur d'étain comme les doigts d'un mourant. Quelque part derrière elle, invisible et menaçante, la meute gagnait du terrain, excitée par la promesse d'une curée.
Elle n'était plus la chasseresse, elle était la proie.
La forêt résonnait du galop effréné de mille sabots en train de se rapprocher. Maintenant elle entendait les exhortations des chasseurs. Ils se criaient les uns aux autres des mots qu'elle ne comprenait pas, mais elle savait qu'on la pourchassait.
Son cheval trébuchait. Désarçonnée, elle tombait de sa selle et heurtait durement le sol gelé. Elle percevait un craquement au niveau de l'épaule, suivi
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