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Labyrinthe

Labyrinthe

Titel: Labyrinthe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Kate Mosse
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freux.
    À Saint-Paul-Trois-Châteaux, un parfait avait été crucifié par un petit contingent de routiers 1 gascons. De deux planches reliées par une corde, ils avaient improvisé une parodie de la Crucifixion. Les mains déchiquetées par le poids de son propre corps, l'homme n'avait pas pour autant renoncé à sa foi, refusant l'apostasie à laquelle on voulait le contraindre. Finalement, lassés par la lenteur de son trépas, les drilles l'avaient étripé et abandonné aux chiens.
    Ces actes de barbarie et bien d'autres encore étaient soit déniés par l'abbé de Cîteaux, soit qualifiés d'actes isolés, imputables à quelques renégats. Mais rencogné dans la pénombre, le parfait n'ignorait pas que les propos des seigneurs, des prêtres ou même du légat du pape n'avaient plus cours en cet instant. Il pouvait presque sentir l'haleine pestilentielle des hommes assoiffés de sang qui les avaient traqués jusque ce coin de Terre, issue des œuvres du démon.
    Il avait reconnu le Malin.
    Ne lui restait plus à présent qu'à sauver les âmes de ses croyants aux fins qu'ils pussent se présenter à la face de Dieu. Sinon que le passage de ce bas monde à l'autre n'allait pas se révéler aisé.
    Le blessé était encore conscient. S'il faisait entendre de faibles gémissements, la quiétude des derniers instants était descendue sur lui, et son visage empruntait déjà la lividité de la mort. Le parfait étendit les mains au-dessus du moribond pour lui administrer les derniers sacrements et prononcer les mots du consolament .
    Les autres croyants joignirent leurs mains en cercle et se mirent à prier.
     
    Père saint, Dieu juste des bons esprits, toi qui jamais ne trompas, ni ne mentis, ni n'erras, ni ne doutas, de peur que nous ne prenions la mort…
     
    À présent, les soudards lançaient de violents coups de pied contre la porte de la grange avec ricanements et force jurons. Il ne se passerait pas beau temps avant que les fugitifs ne fussent découverts. La plus jeune parmi les femmes, âgée de quatorze ans à peine, éclata en sanglots. Des larmes silencieuses ruisselèrent lentement sur ses joues.
     
    …prenions la mort dans le monde du dieu étranger – puisque nous ne sommes pas de ce monde et que ce monde n'est pas de nous – donne-nous à connaître ce que tu connais et à aimer ce que tu aimes.
     
    Le parfait haussa la voix, cependant que la barre qui condamnait la porte se brisait en deux, projetant des échardes à travers la grange, et que les rustres se ruaient à l'intérieur. À la lueur du bûcher bâti dans la cour, il vit l'éclat sauvage et inhumain du regard des hommes. Il en compta dix, tous armés d'une épée.
    Ses yeux se portèrent sur celui, entré à leur suite, qui les commandait. Un homme de haute taille, au faciès hâve et aux yeux dénués d'expression, aussi calme et maître de lui que ses hommes étaient exaltés. Se dégageait de sa personne une autorité cruelle, de celle propre aux hommes accoutumés à se faire obéir.
    Sur son ordre, les fugitifs furent arrachés à leur refuge. Il leva son estramaçon et le planta dans la poitrine du parfait. Ce dernier soutint un instant le regard gris qui le contemplait avec froideur. Alors, brandissant derechef sa lourde épée, le capitaine de la troupe la plongea dans le crâne du vieillard, éclaboussant la paille de cervelle et de sang.
    Le parfait occis, la panique s'empara des malheureux. Certains tentèrent de prendre la fuite, mais ils glissèrent sur la mare de sang en train de se former. Un soldat empoigna une femme par les cheveux et lui planta son épée dans le dos. Quand le père de la malheureuse tenta d'intervenir, le soldat se retourna brusquement et pourfendit le ventre du vieillard. Les yeux exorbités, ce dernier fixait sans la voir la lame que l'homme remuait dans ses entrailles, avant de la dégager en le repoussant du pied.
    Le plus jeune soldat de la troupe se détourna et vomit dans la paille.
    En quelques minutes, tous les hommes étaient morts, leurs cadavres éparpillés aux quatre coins de la grange. Le capitaine ordonna que les deux femmes fussent conduites au-dehors. Pour ce qui était de la jeune fille, il déciderait lui-même de son sort, de même que celui du jeune soldat qui avait vomi. Certaines choses se devaient d'être reprises en main.
    L'adolescente s'écarta de lui, les yeux agrandis de terreur. L'homme esquissa un sourire. Rien ne pressait, d'autant qu'elle ne pouvait

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