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Labyrinthe

Labyrinthe

Titel: Labyrinthe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Kate Mosse
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fut pas son étonnement de voir une expression horrifiée se peindre sur le visage de François.
    « Mais, dame, cela ne me semble pas…
    — Je suis navrée de vous chasser de votre lit, l'interrompit-elle en accompagnant son ordre d'un sourire. Ma compagne de nuit ne me convient guère. Cependant, je vous saurais gré de rester à proximité, au cas où je requerrais vos services.
    — Comme il vous plaira, dame », acquiesça le domestique sans lui rendre son sourire.
    Alaïs garda un moment les yeux fixés sur lui, puis se dit qu'elle déduisait trop de choses de son attitude. Après lui avoir demandé d'allumer les lampes, elle lui donna congé.
    François parti, Alaïs s'alla pelotonner dans le lit de son père. À se savoir derechef esseulée, elle se ressentit doublement du chagrin occasionné par l'absence de son époux. Elle tenta vainement de convoquer son visage, son regard énamouré, la ligne volontaire de son maxillaire, ses traits demeuraient flous, se refusaient à ses pensées. Comprenant que tout cela ne le devait qu'à sa rancœur, elle voulut se faire une raison, ressassant que Guilhem assumait ses devoirs de chevalier, qu'il n'avait commis d'impair ni ne s'était livré à quelque fausseté, que son attitude était conforme en tout point à ce que l'on attendait de lui. Qu'à la veille d'une mission de grande conséquence, ses devoirs allaient non pas à son épouse, mais à son seigneur et ceux qui l'accompagnaient. Et cependant, se le répéterait-elle mille fois, elle ne pouvait se soustraire à l'idée lancinante selon laquelle Guilhem ne l'avait pas protégée quand elle était en danger. Si injuste que cela pût paraître, elle lui en tenait grief.
    Sa disparition eût-elle été découverte à temps que ses agresseurs auraient peut-être été appréhendés.
    Et mon père ne m'aurait pas méjugée.

20
    Dans une ferme abandonnée aux environs d'Aniane, dans les terres plates et fertiles à l'ouest de Montpellier, un parfait d'un âge avancé et huit autres credentes , des croyants, se tenaient accroupis dans un coin de la grange, derrière un enchevêtrement de vieux harnais de bœufs et de mulets.
    L'un d'entre eux était gravement blessé. Les lambeaux de chair roses et gris pendaient des os éclatés qui constituaient autrefois son visage. Sous la violence du coup qui lui avait brisé la mâchoire, les yeux avaient jailli de leurs orbites. Le sang se coagulait autour d'une blessure béante. Quand la maison dans laquelle ils s'étaient rassemblés pour prier avait été prise d'assaut par un groupe de renégats dissidents de l'host, ses compagnons avaient refusé de l'abandonner.
    Le blessé les avait considérablement ralentis et, partant, leur avait fait perdre l'avantage de leur connaissance de la contrée. Les croisés les avaient pourchassés toute la journée, et la faveur de la nuit ne leur avait pas permis de leur échapper. À présent, ils étaient cernés. Les cathares entendaient les vociférations de la soldatesque rassemblée dans la cour de la ferme, le crépitement du bois sec que l'on allumait. Un holocauste se préparait.
    Le parfait n'ignorait pas que la fin était proche, qu'il n'y avait nulle mansuétude à attendre de ces soudards partagés entre haine, ignorance et bigoterie, tant il était vrai que sol chrétien n'avait oncques connu semblable armée. Le parfait ne l'aurait jamais cru s'il ne l'avait vu de ses propres yeux. Il voyageait vers le Sud, parallèlement à l'host, et avait aperçu les grandes barges peu maniables descendant le Rhône, transportant fournitures et équipement, ainsi que des coffres aspés de fer contenant les reliques censées bénir l'expédition. Et entendu les sabots de milliers de chevaux suivant le cours du fleuve dans un formidable nuage de poussière flottant continûment au-dessus de l'host.
    D'emblée, citadins et villageois s'étaient remparés, observant à travers les croisées l'infini défilement de l'armée des Français en priant Dieu qu'elle passerait sans coup férir son chemin. Des histoires circulaient d'horreurs et d'indicibles violences. L'on rapportait des fermes incendiées, des représailles contre des paysans qui s'étaient opposés au pillage de leurs biens. À Puylaroque, des hérétiques cathares avaient été immolés sur un bûcher. La communauté juive de Montélimar dans son entièreté avait été passée au fil de l'épée, les têtes ensanglantées dressées sur des piques et livrées aux corbeaux

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