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Lacrimae

Titel: Lacrimae Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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l’amitié de son épouse pour elle. D’un autre côté, les femmes aiment à se raconter leurs petites histoires, échanger des pensées qu’elles répugnent à confier aux hommes. Surtout, ce qui faisait plaisir à Ivine le rendait heureux.
    Il récupéra la lettre et déclara :
    — Madame… j’avoue ne pas avoir le courage de porter cette affreuse annonce moi-même. Aussi, vous serais-je obligé de…
    — Oh, mon Dieu, répéta-t-elle dans un souffle. Certes, certes… même si j’ignore comment…
    — Le pieux mensonge qu’évoque mon frère d’alliance est indispensable. Épargnons autant que possible ma tendre mie. Je monterai dans quelques minutes lui offrir mon soutien et, je l’espère, lui apporter quelque réconfort.

    Ivine était seule lorsqu’il pénétra dans ses appartements. Blême jusqu’aux lèvres, elle se tenait debout, figée devant la cheminée. La panique envahit Philippe, lui qui n’avait jamais eu peur de rien.
    — Mon aimée…
    Elle l’interrompit d’un geste et déclara d’une voix étrange, si lointaine :
    — Mon doux époux… Je… Je ne parviens plus à penser… Je… Faites-moi la grâce de me laisser seule un moment… Je… Prier, sans doute…
    Philippe acquiesça d’un mouvement de tête. Désespéré par le chagrin d’Ivine, il quitta la pièce.
    1 - Il existe à l’époque pléthore de lotions « pour avoir belle voix ».
    2 - Mort funeste et affreuse.
    3 - Jugé très blasphématoire.
    4 - L’expression est mystérieuse et très ancienne. Elle ferait allusion à un homme si désespéré et démuni qu’il invoque le diable pour lui vendre son âme. Le diable n’étant pas intéressé, il fait mine de repartir. L’homme, prêt à tout, le retient par la queue.
    5 - En réalité, à l’époque, « dîner » ou « souper » signifiaient tous deux « prendre le premier repas de la journée ». Le premier vient de disjejunare  : déjeuner c’est-à-dire rompre le jeûne de la nuit et le second de soupe , bien sûr, puisqu’on en mangeait à tous les repas. « Dîner » deviendra ensuite notre actuel déjeuner et « souper » notre dîner, jusqu’à la répartition moderne de petit déjeuner, déjeuner et dîner ou souper.

XX
    Tiron, novembre 1306
    L eonnet Charon était toujours aussi flatté que le matin lorsqu’il pénétra au soir échu en l’auberge du Chat-Borgne. Si flatté qu’il ne remarqua d’abord pas l’inhabituelle affluence. La grande salle était bondée. Certes, les clients ne manquaient pas à maîtresse Borgne, toutefois toutes les tables étaient occupées, et on avait même ajouté des chaises.

    Ce petit-bourgeois de vive intelligence était devenu secrétaire du bailli de Nogent-le-Rotrou. Une jolie position, qui faisait quelques envieux, dépités que le bailli l’ait choisi à leur place, et lui valait un respect qui le comblait, sans, toutefois, le griser.
    Après un douloureux veuvage, Leonnet Charon était redevenu l’homme plaisant, amoureux de la vie et de plaisirs bien de ce monde, sans pour autant tomber dans la débauche, qu’il avait toujours été avant le trépas de son épouse. Il aimait la bonne chère, comme en témoignaient son visage aux joues rebondies et une bedaine qu’il devait sangler dans une large bande de lin avant de lacer son gipon 1 . Hormis le décès de sa femme qui l’avait dévasté, Charon faisait partie de ces êtres envers lesquels le sort s’était montré courtois et qui lui en rendaient grâce. Il ne se connaissait pas de véritables ennemis et cette certitude contribuait à sa bonne humeur presque permanente.
    Leonnet Charon était donc homme d’agréable commerce. Certes, sa charge ne comportait pas que de plaisants moments puisqu’il distribuait les avis d’accusation, d’arrestation ou de procès, clamait en place publique les sentences de mort et les annonces d’exécutions. En revanche, ce qu’il nommait la part affable de son travail le comblait. Il écoutait et interrogeait les plaignants qui s’affrontaient dans un conflit de voisinage de trop piètre importance pour encombrer le bailli, débusquait les menteries fielleuses des uns pour en envoyer d’autres au bûcher. En bref, il menait des enquêtes pour débrouiller le faux du vrai, quitte à en avertir, dans les cas les plus graves, son maître le bailli, voire un inquisiteur selon la nature des fautes. Leonnet Charon aimait à rétablir un peu de paix dans les chaumières et les villages,

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