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Lacrimae

Titel: Lacrimae Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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le diable par la queue 4 , vivotant de l’exploitation de sa ferme, que le vieux Géraud avait été ravi de déposséder de son héritage en reconnaissant Philippe comme bâtard. L’idée de rencontrer cet Henri qu’il avait plumé l’avait donc amusé.
    Abandonnant le château à ses gens d’armes, il avait sellé son cheval. La liberté qu’il se sentait à nouveau le grisa tout le chemin.
    L’accueil d’Henri avait été très mitigé, d’une courtoisie de simple us. Après tout, Philippe l’avait spolié d’une fortune qu’il attendait avec impatience. Pourtant, tout avait basculé dès le premier soir, dès la première rencontre, lorsque Ivine s’était installée à la table du dîner 5 . L’amour, le désir avaient déferlé en Philippe. S’il connaissait fort bien le second, le premier lui était si étranger qu’il avait eu du mal à l’identifier. Il lui avait fallu toute une nuit d’insomnie pour nommer cette sensation puissante, presque féroce, qui lui faisait cogner le cœur dans la poitrine, lui coupait les jambes, le rendait timide. Il n’avait pas envie de la trousser, de prendre son plaisir avec elle comme avec les autres, sans se préoccuper du corps qu’il écrasait sous le sien. Il avait passé le jour suivant dans une sorte de rêve, à la fois douloureux et délectable, guettant son apparition, jusqu’au dîner suivant.
    Comme la veille, Ivine ne parlait pas, gardant les yeux baissés vers la table. Au demeurant, ses deux frères, André et Lubin, ainsi que leur père, n’étaient guère plus loquaces. Désespéré d’entendre sa voix, qu’elle le regarde, Philippe avait lâché :
    — Ma cousine, à quoi occupez-vous vos journées ?
    Lentement, elle avait levé le visage vers lui. Il avait su à cet instant qu’il n’existerait jamais d’autre femme pour lui. Il la voulait plus que tout, pour toujours. Dans un français un peu incertain, elle avait répondu d’une voix douce :
    — Je lis, messire mon cousin, je brode. Parfois, je chevauche et chasse en compagnie de mes frères.
    — Si fragile donzelle chasse ?
    André avait adressé un regard appuyé à sa sœur qui avait aussitôt rectifié :
    — Ils chassent, je les accompagne.
    Lorsque les trois enfants avaient pris congé, Philippe était resté seul avec Henri devant un verre d’hypocras. Sa décision était prise.
    — Mon cousin, je m’en voudrais de vous fâcher… Il ne m’étonnerait pas que vous me teniez rigueur de…
    — Vous êtes le fils naturel de Géraud. Le sang exigeait que vous héritiez, l’avait interrompu Henri d’un ton qui prouvait assez qu’il ne s’était pas remis de cette perte. Je ne prétendrai pas que la nouvelle m’a réjoui. Vous avez constaté l’état de notre ferme et le pauvre train auquel nous sommes contraints. Lorsque le dernier hoir de Géraud a trépassé, je mentirais si je n’avouais avoir espéré… un retournement faste de fortune. Bah, tout cela est du passé ! Mes fils sont bons frères, peut-être pourront-ils cohabiter en amitié après mon décès. Quant à ma fille, son futur m’inquiète. Elle est fort jolie, vertueuse. Cependant, je ne pourrai lui offrir de dot.
    Le destin, à l’évidence. Philippe s’était convaincu qu’il l’avait mené en la Sapaudia. Sa proposition en mariage, quelques minutes plus tard, assortie d’une rente annuelle pour son futur beau-père, avait vite été acceptée. Il avait promis que l’hoir mâle que lui donnerait Ivine deviendrait le prochain seigneur, déshéritant du même coup ses deux fils.

    Non. Il ne pouvait, ne voulait être le messager d’une nouvelle qui la dévasterait. Que faire ? Sur une impulsion, il héla au service par l’escalier qui descendait aux cuisines. Une servante se précipita et se plia en révérence.
    — Va quérir Aude, la dame d’entourage de mon épouse. Aussitôt.
    La jeune fille disparut. Quelques instants plus tard, Aude fit une entrée respectueuse, en dépit de son air surpris. Sans un mot, Philippe lui tendit la missive. Il vit les lèvres de la jeune femme se crisper, le sang se retirer de son visage. Un soupir atterré, puis :
    — Ah ! mon Dieu… Ma dame…
    Philippe s’était toujours senti mal à l’aise en présence d’Aude, bien que ne la croisant que dans les appartements d’Ivine ou au détour d’un couloir. Elle était pourtant plaisante et savait garder sa place. Peut-être en était-il un peu jaloux puisqu’il connaissait

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