Lacrimae

elles en voudraient plus, qui dégorgent leurs boyaux à force de potions pour pas concevoir, qui traquent les crapauds pour leur cracher dans la gueule 14 , en se cachant 15 . D’autres qui sont aussi fécondes qu’un ânon ! Vot’art y peut quec’chose ?
    — Je ne sais sans l’avoir examinée. Cela étant, la ventrière a fait de la belle ouvrage, et je ne vois guère ce que je pourrais ajouter.
    1 - L’origine de l’expression est très discutée, certains ne la faisant remonter qu’au XIX e  siècle. D’autres, en revanche, lui attribuent une origine médiévale. Lors d’une union, on pouvait accoler les écus des deux familles pour former un nouveau blason. Les armes (armoiries) de l’époux se trouvaient alors à droite et celles de l’épouse à gauche. En cas de décès du mari, on transférait ses armes à gauche.
    2 - Sorte de caleçon.
    3 - La rigor mortis est totalement installée six à douze heures après le décès, en fonction de la température ambiante, mais également de la musculature du sujet, de son état de santé, etc.
    4 - Ou fuzil ou fousil. Fusil à silex. Petite pièce en acier très trempé, avec laquelle on percutait les arêtes du silex. Ce procédé d’allumage sera utilisé durant des siècles, sous différentes formes, de moins en moins risquées et laborieuses pour l’expérimentateur.
    5 - On trouve l’amadou sous la cuticule de l’amadouvier, un champignon parasite des arbres, notamment du hêtre.
    6 - Le terme est ancien et vient de « tinter », dans le cas des cloches.
    7 - Charles de Valois reçut de son frère Philippe le Bel les comtés du Perche et d’Alençon en apanage.
    8 - Cette plante à laquelle on accorde maintes vertus est réputée depuis l’Antiquité pour augmenter la fertilité féminine.
    9 - Vitex agnus cactus . Bien que réputé calmer les ardeurs sexuelles, d’où son autre nom de « poivre des moines », il était utilisé pour accroître la fertilité des femmes.
    10 - Inula helenium .
    11 - Le gauche était censé être, au contraire, abortif.
    12 - Donc, à la « mauvaise période » en ce qui concerne l’ovulation, dont on ne connaît pas le moment de survenue au Moyen Âge, expliquant ce conseil donné à l’époque.
    13 - Morve.
    14 - Cracher à trois reprises dans la gueule d’un crapaud était censé prévenir les grossesses durant un an.
    15 - Inutile de préciser que toute « recette » abortive ou contraceptive était vivement condamnée. Ce fut du reste souvent un argument dans la chasse aux sorcières.

XXIV
    Château de Saint-Denis-d’Authou, novembre 1306
    D ruon avait sellé Brise dès l’après-midi. La déception s’était peinte sur le visage d’Huguelin lorsque le jeune mire avait refusé son accompagnement. Toutefois, Druon avait promis de rentrer avant le soir échu.
    Le seigneur Philippe l’avait accueilli sans débauche d’affabilité mais de façon civile, s’enquérant de sa science en matière de fertilité. Druon s’en était tiré par une pirouette en affirmant d’un ton docte :
    — Il y a bien des formes de stérilité, seigneur, et toutes ne sont pas définitives.

    Une surprise de taille l’attendait lorsqu’il pénétra dans les appartements de dame Ivine, précédé par la ventrière qui s’éclipsa dès après l’avoir présenté. Jamais il n’avait rencontré si parfaite créature. D’une beauté à couper le souffle, elle se tenait assise avec modestie dans une chaire 1 au dossier sculpté. Il s’inclina bas. Un petit chien fonça vers lui, reniflant le bas des braies 2 qu’il portait sous sa longue robe de médecin. Druon se pencha pour le caresser en souriant. Dame Ivine observa :
    — Mon preux gardien. Il est de petite taille mais de grande vaillance et de forte voix.
    — Quel est son nom ?
    — Drostan.
    Dès qu’elle lui adressa la parole, Druon sut que s’ajoutait un esprit vif à ses qualités de visage et de silhouette. Une sorte de tristesse l’envahit lorsqu’il songea à la grossièreté de traits et de langue du seigneur Philippe, sans même évoquer son âge.
    — Je suppose et espère que l’on vous a expliqué le motif de ma visite, madame.
    — Certes. Il est si cruel, si… humiliant pour une femme de ne point pouvoir combler les vœux de paternité de son époux bien-aimé, même si Philippe ne m’en a jamais fait reproche un seul instant. Il est si bon et attentionné. J’aurais grand bonheur et honneur à lui offrir un hoir…