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Lacrimae

Titel: Lacrimae Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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gosier, et deviennent compagnons de beuverie de sorte à émousser la méfiance de son aîné. Ainsi Amâtre l’accueillerait-il avec la volage et menteuse camaraderie des avinés, le jour où Antoine Lavigne aurait mission de l’égorger. Leur père, Philippe, devait suivre au plus preste, ne pas avoir le temps de déshériter son hoir cadet et encore moins de le soupçonner. Toute la difficulté résidait là. Cyr l’avait retournée des heures dans son esprit. Seul un accident l’en débarrasserait. Un accident qui devait être préparé avec minutie.

    Un sourire mauvais étira les lèvres de Cyr. À quelques allusions prudentes de vieux serviteurs, passés depuis, le jeune homme avait compris que la chute fatale du vieux Géraud d’Authou avait été grandement facilitée. Un juste retour du sort, d’une certaine façon.
    1 - Donnera « graisser la patte » au XVII e  siècle.
    2 - Entrer en contact avec quelqu’un pour discuter.

XXVIII
    Bois de Gaufeuillu, à proximité de Tiron,
 novembre 1306
    L a lune était levée et pleine. Nicol savait qu’elle lui souriait, complice de son contentement. Ne distinguait-il pas nettement ses yeux plissés de connivence ?
    Il pouffait, plaquant la main sur les lèvres afin que nul ne risque de l’entendre. Il se méfiait surtout des arbres qu’il aimait tant. Ceux-ci comprenaient tout, bien plus que les animaux de la forêt dont l’esprit se bousculait d’urgences : manger, fuir, éviter de se faire tuer. Les arbres, eux, redoutaient peu, à l’exception des haches des hommes, des feux dévorants ou des tempêtes dévastatrices. En d’autres termes, ils disposaient d’un temps presque infini pour écouter, penser. D’habitude, Nicol discutait souvent avec les frênes, les chênes et les châtaigniers, mais pas cette nuit. Cette nuit était très particulière.
    Il s’agissait d’une nuit humaine.

    Dès qu’il avait avancé dans le bois, il avait aussitôt senti combien les arbres devenaient indiscrets, tendant leurs oreilles. Le bruissement de leurs branches légères, presque totalement dépourvues de feuilles, s’était tu. Bien sûr, les humains-à-langue-preste, ceux qui parlaient si vite que Nicol comprenait à peine ce qu’ils disaient, auraient affirmé que leur mutisme provenait de l’absence de vent. Les humains-à-langue-preste servaient toujours leurs explications toutes faites, sans deviner à quel point ils s’aveuglaient de mots. Ils disaient tant de bêtises, si vite, qu’eux-mêmes s’étourdissaient. Un sifflement de dame blanche 1 et ils prenaient peur et se signaient. Pourtant, Nicol aimait le joli masque de lune blanche et duveteuse des rapaces. Lui savait qu’elles ne sifflaient ainsi que dans l’espoir d’effrayer ceux qui les terrorisaient. Non, les vipères ne s’accrochaient pas au pis des vaches pour les téter 2 . Elles préféraient les mulots. Nicol l’avait appris, puisqu’il les chassait afin de les revendre à bon prix.
    Maîtresse Borgne ignorait tout de son petit commerce. Oh, il l’aimait beaucoup, elle était bonne ! Même lorsqu’elle le tançait, le houspillait, elle était bonne. Mais elle était sévère. Hou, si rude parfois ! Et il sentait qu’elle craignait pour lui. Malheureusement, l’esprit de Nicol ne parvenait pas à s’attacher suffisamment à une idée pour qu’il en vienne à bout. Les idées se sauvaient de sa tête et il ignorait où elles allaient chercher refuge. Toutefois, il avait parfois le sentiment que maîtresse Borgne voyait toujours en lui le petit qu’elle avait découvert un matin, couché sur le pas de sa porte, à moitié mort de faim.
    Il ne parvenait pas à trouver les phrases afin de la détromper, les mots formant une sorte de boue épaisse dans sa gorge. N’en sortaient que quelques-uns, dans le désordre, pas ceux qu’il aurait choisis. Comment expliquer à maîtresse Borgne qu’il avait grandi, que des choses étonnantes, inquiétantes ou amusantes lui parcouraient le corps depuis des années ? Au début, il avait eu peine à les identifier. Ces fourmillements qui le prenaient lorsqu’il regardait une fille, qui remontaient des mollets jusqu’à son ventre. Ces coups de chaleur qui lui enflammaient le cou et le visage. Des visions qui lui venaient, de plus en plus précises, de sa peau frôlant une autre peau. Une peau de fille. Des rêves qui le tiraient du sommeil, haletant. Mais les filles ne voulaient pas de lui. D’autant que les vieilles,

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