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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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dissimulée dans la boiserie. En présence du duc d'Orléans, le roi demanda au prélat des nouvelles de ses coliques, puis se retourna du côté opposé. Christophe de Beaumont se retira. En traversant le cabinet du roi, il se prit les pieds dans un tapis et trébucha. Nicolas se précipita pour le soutenir. L'archevêque le regarda de ses yeux rougis. Il avait beaucoup vieilli depuis leur dernière rencontre. Le visage était gris et les grands plis d'amertume s'étaient encore creusés autour de la bouche affaissée.
    — Monsieur le commissaire, dit-il en reconnaissant Nicolas, le diable n'est jamais très loin lorsque vous paraissez. Le Seigneur veut pourtant que vous soyez le rempart et le soutien...
    Jusqu'à son carrosse, il continua à parler sans que Nicolas distinguât si ce discours s'adressait à lui ou participait d'un monologue intérieur dévidé à mi-voix. Le prélat ne répondait à aucun salut, vaticinant sans fin.
    — Il ne cesse de nous entourer et c'est surtout à la mort, à ce passage, qu'il redouble de vigilance et qu'il déploie toute l'étendue de sa malice. Celui qui ne prend pas soin de sa propre maison, comment veut-il prendre soin de l'Église de Dieu ?
    Il fut salué par le maréchal de Richelieu qui riait sous cape. Le prélat retiré, il se retourna vers Nicolas en pouffant.
    — Voilà bien de ces grands matamores de la foi ! Il repart tête basse avec sa baignoire. Il pisse le sang à Paris et l'eau claire à Versailles !

    Mardi 3 et mercredi 4 mai 1774
    L'antienne des bulletins publiés par les médecins se poursuivait, monotone. Il n'était question que de symptômes rassurants, de vésicatoires efficients, de fièvre modérée, de sommeil plus paisible, d'évacuations louables et d'éruptions tout à fait franches. Nicolas, bien placé pour constater la vérité, voyait le roi s'affaiblir. Dans son lit de camp, appuyé à la balustrade, il paraissait tranquille, mais effrayait ceux qui l'approchaient par le gonflement de sa tête, grosse et rouge comme un boisseau. Aiguillon et Richelieu continuaient, sous les regards abattus de Mesdames, à tirer les ficelles et à dissimuler à leur maître la gravité de son état. Celui-ci s'interrogeait parfois, remarquant que, s'il n'avait eu la certitude d'une petite vérole à dix-huit ans, il croirait en souffrir aujourd'hui. Il faisait manier ses boutons par Madame Adélaïde et frotter son front par la favorite pour calmer ses démangeaisons. Tout l'entourage, sans cesse aux aguets, veillait afin de parer à tout et à n'importe quoi.

    Le lendemain, l'archevêque surgit à nouveau en dépit de ses souffrances et, comme précédemment, le duc de Richelieu s'empara de son esprit pour le détourner de son devoir. Le duc menaçait même le curé de Versailles de le faire jeter par la fenêtre s'il osait parler de confession au roi. Au début de l'après-midi, devant le duc de Noailles, La Borde et Nicolas, le roi regarda avec attention les boutons de ses mains.
    — C'est la petite vérole, dit-il d'un ton d'évidence.
    Il se retourna.
    — Voilà qui est étonnant !
    Des médecins essayèrent sans succès de lui tirer cette idée de la tête, mais rien n'y fit. Le soir, le roi parut comme à l'accoutumée. La chambre aux fenêtres ouvertes était bien aérée et les odeurs printanières du parc chassaient les miasmes de la maladie. Le malade, très légèrement couvert, ne cessait de sortir les mains de sous le drap, alors que les médecins souhaitaient les y maintenir. Il tint sa conversation d'un ton de voix égal et évoqua, comme à l'accoutumée, des sujets macabres. À l'entendre si disert, Nicolas reprit espoir. Soudain, le roi s'adressa au duc de Liancourt, grand chambellan.
    — Avez-vous vu cette année, aux fêtes de Noël, le moine jouant du violon au milieu de la rivière ?
    — Oui, sire, répondit le duc.
    Chacun se regardait, inquiet de cet échange qui faisait craindre un égarement de l'esprit du roi. Le duc, s'apercevant de la stupeur du service, sourit.
    — Sa Majesté a très bonne mémoire. Mes aïeux avaient offert de grandes possessions aux moines sous l'expresse condition que tous les ans, à Noël, l'un d'eux se mettrait dans une barque au milieu de la rivière et jouerait un air de flûte ou de violon. Le seigneur propriétaire rentrerait dans sa donation si les bénéficiaires manquaient à cette tradition.
    Le roi s'assoupit un moment, puis il s'agita de nouveau et parla longuement à La

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