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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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finissait ses apprêts quand Catherine gratta à sa porte pour lui dire que M. de Noblecourt, réveillé et ayant appris son retour, souhaitait le voir dès que possible. Il suivit la cuisinière, accompagné des jappements de Cyrus. Le vieux magistrat trônait dans son lit en robe de chambre de perse, le chef dissimulé par un madras noué. Il sourit à la vue du commissaire.
    — Alors ? Quelles nouvelles ? Vous voilà enfin de retour ! La maison est bien triste, en votre absence.
    — Hélas, dit Nicolas, le roi est bien malade et je dois retourner à Versailles sur-le-champ.
    — Ah ! diantre, cela nous ne le savons que trop ! Et que disent les médecins ?
    Nicolas, détenteur d'un trop lourd secret, répugnait à tromper M. de Noblecourt.
    — Ils sont incertains.
    — Comment cela, incertains ! La petite vérole n'a rien d'incertain, surtout pour un homme de cet âge. Il la faut traiter vigoureusement.
    Nicolas prit conscience avec stupeur que tout le pays se trouvait au fait de l'état du roi, alors que lui, dans le resserrement de sérail du château, en était encore à croire que seuls les proches et la famille du roi en étaient informés. Les bulletins de santé publiés n'avaient à aucun moment évoqué la maladie fatale, tout en décrivant clairement les symptômes.
    — Remettez-vous, dit Noblecourt. Ignoreriez-vous la nature de la maladie du roi ?
    — Certes non, mais qu'elle fût aussi publique me surprend.
    — La rue ne parle que de cela, et le scandale est grand. L'archevêque a ordonné dans tous les diocèses les prières des quarante jours, l'exposition du Saint-Sacrement et l'oraison pro infirmo . Pourtant...
    — Pourtant ?
    — Le public que l'on somme de prier comprend mal les tergiversations concernant la confession. Aussi bien, le trouble des esprits est-il à son comble. Les bulletins rassurants des médecins ne trouvent plus créance. Ainsi, hier, une dame s'étant avisée d'en critiquer le contenu a été arrêtée et emprisonnée aussitôt. Tout Paris est empli de vos gens du Châtelet ou de leurs séides qui écoutent les discours plus ou moins charitables des chalands et les forcent d'user de plus de circonspection.
    — Ils font leur travail, monsieur le procureur, répliqua Nicolas avec un pauvre sourire.
    — Je ne dis pas, mais cela ajoute au malaise de l'esprit public. Et je ne vous conte pas ce que l'on rapporte sur l'origine de cette maladie. Une affreuse anecdote qu'en vérité ma bouche refuse de répéter 64 . Cependant, elle est crue, oui, elle est crue comme parole d'évangile... En tout cas, je remercie le ciel d'avoir placé sur notre route Guillaume Semacgus, dont la sagacité vous sauve sans doute. La vaccine nous protège et vous, surtout, qui êtes jeune. Courez à votre devoir et revenez-nous vite !
    Nicolas prit congé en promettant de donner des nouvelles et, après avoir pillé quelques brioches à l'office, retrouva sa jument que Poitevin avait gâtée, mêlant un peu de vieux vin à son picotin. Il repartit à petit trot, ne voulant pas épuiser sa monture. Ce lent retour favorisait une réflexion que la gravité des moments vécus depuis quelques jours avait empêchée. Il ressentait comme un cauchemar le déroulement de cette attente interminable où tout vacillait et où les fondements les plus stables de son existence tremblaient sur leur base. Il éprouvait une vraie douleur à l'idée de la fin prochaine du roi, comme si les liens tissés avec lui depuis tant d'années, si éloigné que fût un simple sujet de la majesté du trône, ne pouvaient être rompus sans briser quelque part sa propre vie. Un monde nouveau se profilait déjà, dans lequel tout serait à reconstruire avant de retrouver le calme, le soulagement et la tranquillité des choses habituelles et des jours ordinaires.

    La circulation paraissait inhabituelle sur la route de Versailles. Le pont de Sèvres était encombré de toutes sortes de voitures qui s'échelonnaient ensuite comme un troupeau jusqu'à l'entrée de la ville royale. Peu après trois heures, il atteignit le château. Il confia sa jument à un palefrenier. Lorsqu'il se présenta sous l'arcade, un carrosse à deux chevaux avec un laquais gris le frôla, à l'intérieur il reconnut la comtesse du Barry, l'air éploré, accompagnée de ses deux belles-sœurs et de la duchesse d'Aiguillon. La menace de la contagion avait vidé les appartements, et les remugles de l'infection parvenaient jusqu'au

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