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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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disparaissant ainsi aux yeux de ceux qui forcément devaient l'attendre. Nicolas sourit en pensant à la foule disparate des agents du Châtelet et des sicaires de l'autre partie ; heureusement que les mouches se connaissaient entre elles. Certaines avaient pour seule tâche d'entraver toute manœuvre adverse.
    Bourdeau-Cadilhac quitta en hâte son observatoire et se précipita à l'extérieur pour reprendre sa voiture. Tout était prévu pour que celle-ci semât d'éventuels poursuivants. Quant à Nicolas, mendiant parmi les mendiants, il s'enfoncerait dans la populace. Le plus dur fut de se séparer de la petite chatte qu'une nuit commune avait déjà persuadée d'avoir trouvé un maître. Elle déploya toutes ses grâces pour le convaincre. Ce fut en pure perte, en dépit de son envie ; Cyrus n'aurait sans doute pas apprécié la jeune personne. Il se promit d'y réfléchir et, en abandonnant les derniers reliefs de son pâté, il profita de l'inattention de la gourmande pour se retirer en silence. Mais quand il parvint à la grille des Thermes, elle était là, l'air interrogatif, qui le considérait avec une perplexité mutine. Il ne résista plus, la saisit prestement par la peau du cou et la plaça dans sa besace où, satisfaite, elle se tint coite.
    Nicolas se glissa dehors, puis s'affala un moment au coin d'un porche, dans un remugle de pissat si entêtant que « Mouchette », comme il avait choisi de la nommer, sortit sa petite tête et huma, par petits coups dégoûtés, l'odeur environnante. Il prit le chemin opposé au Châtelet, puis regagna par les ruelles le quai des Grands-Augustins. Il y trouva une barque qui le mena jusqu'à l'Apport-Paris, dans la vase boueuse et puante des bords du fleuve. Il retrouva avec plaisir les embarras habituels autour de la prison royale ; les vendeuses de quatre-saisons repliaient leurs parasols et rangeaient leurs étals. En dépit de sa saleté, l'animation et l'allégresse d'un lieu si proche du théâtre sinistre de la justice dissipaient les horreurs du bloc empesté qui s'ouvrait à la descente du Pont-au-Change.
    Il se fondit dans la foule pour aborder le porche gothique et se glissa à l'intérieur de la vieille forteresse. Le bureau de permanence vide lui offrit la discrétion nécessaire à un changement de tenue, Mouchette inspecta soigneusement les lieux, à petits bonds prudents et l'air dégoûté ; elle finit par sauter sur la table, s'étira longuement, se roula en boule et s'endormit, paisible. Nicolas attendit de longues heures que ses gens se manifestassent.

    Soudain, une idée lui traversa l'esprit. Il fut même surpris qu'elle eût mis autant de temps à lui venir. Le feu de l'action et l'attention consacrée à sa longue surveillance avaient-ils à ce point annihilé le mécanisme habituel des analyses ? Cela s'imposait pourtant avec une clarté aveuglante : la présence d'un des jeunes gens conviés à la soirée de Julie, comme envoyé de Camusot au palais des thermes, prouvait, pour la première fois et sans conteste, le lien entre le crime de la rue de Verneuil et les menées politiques autour du feu roi et de la comtesse du Barry. Il replaça aussitôt cette information essentielle dans le canevas récent de ses raisonnements. Elle cadrait exactement avec une hypothèse naissante dont il n'osait encore formuler les conséquences.
    Un remue-ménage le tira de sa méditation. Bourdeau, toujours en tenue de Cadilhac, mais les moustaches ôtées, surgit, très animé. Une foule d'exempts et d'hommes du guet encombrait les galeries avec trois prisonniers.
    — De gros poissons de la dernière marée ! lança l'inspecteur avec jovialité.
    — Contez-moi cela par le menu, dit Nicolas.
    Bourdeau s'assit lourdement.
    — Imaginez qu'après la petite conversation aux Thermes, au demeurant plus que brève, par laquelle notre émissaire a proposé un prix, marqué les conditions et mis en garde contre toutes tentatives hasardées, j'ai quitté les lieux. Ma voiture a été immédiatement suivie par un cabriolet qui s'est engagé rue des Deux-Portes. Heureusement que la charrette de foin a fait merveille, me permettant de prendre la poudre d'escampette et de préserver mon incognito.
    — Et votre interlocuteur de l'abbaye ?
    — Paix ! Vous courez la poste trop vite pour moi ! Il a été suivi en bonne et due forme. Quant à moi, je suis allé prendre position près de la fontaine de la Samaritaine, endroit central et passant entre

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