L'affaire Nicolas le Floch

tous. Des messagers, qui se relayaient, m'informaient avec une étonnante célérité des mouvements de l'ennemi. De la sorte, nous avons pu, peu à peu, resserrer la partie de la ville intéressante. Notre homme est entré à Notre-Dame peu de temps avant qu'on ferme les portes. Il s'y est laissé enfermer. Les nôtres s'étaient introduits discrètement à sa suite et, dissimulés à l'intérieur, observaient ses faits et gestes. Par une galerie, des messages nous étaient adressés. Le sanctuaire fut bientôt environné...
    — Nous partîmes cinq cents et, par un prompt renfort...
    — Moquez-vous ! Au bout d'une demi-heure, trois hommes sont sortis par une porte latérale. L'un d'eux était Camusot. J'ai donné ordre qu'on le suive, voulant connaître sa destination et que, renseigné sur ce point, on l'arrête. Ce qui fut fait à quelques toises de l'hôtel d'Aiguillon. Quant aux deux autres, ils ont pris un fiacre après avoir refermé la porte donnant sur le cloître et la rue des Chanoinesses. « Refermé la porte à clef », je vous demande de noter ce détail.
    — Balbastre ?
    — C'est possible, et même probable qu'il leur ait procuré la chose. Qui, mieux que l'organiste de Notre-Dame, pouvait disposer des clefs de la cathédrale ? Pour revenir à nos oiseaux, ils ont gagné la rue du Paon...
    Nicolas éclata de rire. Bourdeau ne comprenait pas.
    — Cela n'a rien de drôle, fit-il d'un air piqué.
    — Les oiseaux, rue du Paon, dit Nicolas s'étouffant.
    — Bon, je vois que l'humeur est à la gaîté ! Bref, ils ont pénétré dans une maison. Arrivé peu après sur les lieux, j'ai sur-le-champ fait couper par les exempts les deux extrémités de la rue donnant, pour l'une, rue Saint-Victor et, pour l'autre, sur la rue Traversine. Il n'y avait ainsi aucun risque qu'ils s'échappassent. Au bout d'un moment, nous avons fait irruption dans un galetas sous les toits. La résistance a été brève et les poucettes 70 vite passées.
    — Qui sont-ils ? demanda Nicolas redevenu sérieux.
    — Ah ! Des oiseaux de nuit.
    — Mais encore ?
    — Un jeune homme inconnu et un autre que vous connaissez.
    — Müvala ?
    Bourdeau émit une sorte de hoquet de surprise.
    — Nicolas, vous m'étonnerez toujours !
    — Avez-vous saisi quelques pièces intéressantes ?
    — Moins que rien. Ils devaient se déplacer de cache en cache. Juste des pistolets, des épées et un anneau avec un ruban.
    Bourdeau le lui tendit. Nicolas le prit et l'examina avec attention avant de le fourrer dans sa poche.
    Il sortit pour examiner les prisonniers. Camusot, vieilli et l'air provocant, le toisa. L'inconnu des Thermes baissait la tête. Müvala, impassible, fermait les yeux et ne les ouvrit même pas à l'approche de Nicolas, qui le considéra longuement. Il était trop tard pour commencer les interrogatoires. Ordre fut donné d'enfermer les trois hommes au secret. Nicolas intima fermement au geôlier les recommandations d'usage. Il était obsédé par les morts mystérieuses dans les prisons, dont les causes n'étaient pas toujours le suicide. L'empoisonnement de Casimir l'avait encore montré récemment. Il convenait donc de retirer tous les objets qui pouvaient permettre de s'ôter la vie et de n'autoriser strictement aucun contact avec l'extérieur. Nicolas rejoignit la rue Montmartre. Dans sa chambre il déposa sur un carreau Mouchette endormie, puis sombra lui-même dans un profond sommeil.

    Mardi 17 mai 1774
    La présentation de la chatte se déroula sans que Nicolas eût à intervenir. Cyrus, venu retrouver son vieil ami au petit matin, tomba sur Mouchette qui s'éveillait. Nicolas admira la science séductrice de la finaude. Nullement effrayée, elle sut déployer des grâces serpentines et fit, avec de doux miaulements, patte de velours sur la truffe de Cyrus intrigué. Finalement, le vieux chien, conscient de ses responsabilités à l'égard de cette jeunesse, la prit délicatement par le cou ; elle se laissa faire, pantelante et ronronnante. Ils disparurent tous les deux.
    Sa toilette terminée, Nicolas les retrouva à l'office, où Cyrus regardait avec attention la chattemite lapant le lait que Marion et Catherine lui avaient versé. Pressé de questions, il expliqua la présence de l'animal. Les cuisinières ravies souhaitaient depuis longtemps l'appui de la gent féline à leur combat quotidien contre les rats et les souris. M. de Noblecourt, averti par Nicolas, fit contre mauvaise fortune