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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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SCEAU DU SECRET
    Oh ! César, ces choses dépassent l'ordinaire
    Et vraiment elles me font peur.
    Shakespeare

    Mardi 31 mai 1774
    La séance de la commission étant fixée à dix heures du matin, Nicolas se dirigea à pied vers le Grand Châtelet. Cet exercice lui était nécessaire avant l'épreuve de la comparution. À son arrivée, le lieutenant général de police le présenta à M. Le Noir. C'était un homme de taille moyenne, corpulent sans excès mais dont la silhouette contrastait avec la minceur et la sécheresse de M. de Sartine. La face remplie et colorée, au nez busqué et aux lèvres gourmandes, paraissait éclairée par des yeux bruns fort doux. À bien y regarder, une asymétrie curieuse offrait, suivant le profil considéré, soit un visage bienveillant, soit une apparence plus sévère. L'œil gauche, enfoncé et immobile, semblait transpercer ses interlocuteurs. Des cheveux naturels coiffés dégageaient le front et retombaient de chaque côté en trois rangs de boucles. La parole était douce et contenue.
    Les comparutions se tenaient dans la salle d'audience hebdomadaire du lieutenant général. M. Testard du Lys, lieutenant criminel, se glissa dans la salle en longeant la muraille, salua ses confrères et lança un coup d'œil aimable à Nicolas qu'il pratiquait depuis longtemps. Sa gêne était patente et sa timidité naturelle éclatait sans doute de se retrouver entre deux de ses prédécesseurs dans la charge essentielle qu'il occupait. M. de Sartine ordonna que les portes fussent closes avant que de prendre la parole.
    — Je déclare ouverts les travaux de cette commission royale extraordinaire chargée de faire la lumière sur le meurtre de dame Julie de Lastérieux, de Casimir, esclave des Antilles, de M. du Maine-Giraud et sur les agressions diverses commises ou tentées contre la personne de sieur Nicolas Le Floch, commissaire au Châtelet, secrétaire du roi en ses conseils, chargé auprès de nous des affaires retenues. Les actes, informations, témoignages et autres constatations faits par nos commissaires, inspecteurs et exempts demeurent et demeureront sous le sceau du secret le plus absolu, compte tenu des intérêts de la couronne. Monsieur le commissaire, vous avez la parole et chacun vous écoute.
    Nicolas s'inclina et prit son souffle. En un éclair, il revécut tous les mois passés dans l'angoisse et les interrogations. Il prit conscience de ce que, pour la première fois, il n'agissait pas seulement en tant qu'enquêteur et qu'accusateur. Il devait tenter d'élucider cette affaire et venger la mémoire d'une femme longtemps aimée, mais aussi de défendre son honneur propre et son innocence. Les cris et les bruits de la ville entrant par la croisée ouverte le rappelèrent à la réalité.
    — Messieurs, commença-t-il, il peut vous paraître étonnant qu'un homme engagé de si près dans une intrigue dont les suites furent dramatiques et qui fut, dès l'abord, soupçonné d'y avoir joué un rôle déterminant, soit à même, d'ordre du roi, de prouver et de requérir devant vous. Je n'ai pas revendiqué ce redoutable honneur qui m'échoit par la confiance de Sa Majesté et celle de M. le lieutenant général de police. Ceci dit, j'en viens aux faits, que j'entends vous relater dans leurs complets déroulements.
    M. de Sartine défrisait les rouleaux de sa perruque, M. Le Noir écrivait et M. Testard du Lys fixait l'orateur avec attention.
    — Le jeudi 6 janvier 1774, reprit Nicolas, après des mots échangés avec Mme de Lastérieux, mon amie, je quittais la rue de Verneuil vers six heures trente de relevée. Étaient présents Julie, ses deux serviteurs noirs, Casimir et Julia, M. Balbastre, organiste de Notre-Dame, M. von Müvala, originaire des cantons suisses, et quatre jeunes gens inconnus. Je me rends alors au Théâtre-Français ; le commissaire Chorrey peut témoigner m'y avoir rencontré. Puis, calmé, je prends un fiacre vers dix heures pour retourner rue de Verneuil. Je donne au cocher un pourboire si généreux qu'il doit s'en souvenir. Disposant d'une clef, je monte et je pénètre dans l'appartement de Julie. À ce moment, il faut préciser les choses. La fête bat son plein et humilié d'être compté pour rien, je décide de me retirer à nouveau mais souhaite récupérer une bouteille de vin à l'office. J'y suis reconnu par M. von Müvala et, en sortant, par Casimir que je bouscule. Je quitte la rue de Verneuil pour n'y plus

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