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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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conscience que l'heure de la fermeture avait sonné. C'est la profondeur de mon oraison qui en est responsable. Quant à ce Cadilhac, je ne le connais point et demande d'être confronté avec lui, on verra bien qui ment.
    Nicolas se mordit les lèvres. Nul doute que Camusot, pourtant au secret depuis plus d'un mois, avait eu vent de la mort de son tueur. La suite de l'interrogatoire s'englua sans résultats comme une marche dans les sables mouvants ; chaque avancée ajoutait encore à l'incertitude.
    — Je pourrais produire des dizaines de témoignages prouvant que Cadilhac fréquentait le logis du commissaire, mais à quoi bon ? dit Nicolas. Messieurs, daignez accepter que je procède à une petite expérience.
    Bourdeau, assis quelques toises derrière, se leva et lui apporta une paire de bottes.
    — Voici des bottes, dit Nicolas. Une belle paire de bottes d'un excellent faiseur. Elles m'appartiennent ou m'appartenaient. Ces bottes, messieurs, on les rencontre à tout moment dans notre drame. Elles disparaissent rue de Verneuil, de l'endroit où j'avais l'habitude de les déposer, dès la mort de Mme de Lastérieux. Elles ne manquent pourtant pas de laisser sur le parquet de fraîches et très nettes empreintes de boue, et de neige mouillée. On n'en parle plus, me direz-vous ? Que si ! Par miracle, on les retrouve dans le meublé de M. Balbastre où elles paraissent jouer leur rôle dans la lutte terrible qui oppose M. du Maine-Giraud à son agresseur. Une semence dépassait depuis longtemps, le parquet là aussi en témoigne. Il est rayé et égratigné par les mouvements de l'assassin. On pourrait supposer qu'à ce moment-là elles demeurent attachées à leur détenteur. Point du tout ! Les voilà sagement rangées dans un placard où nous les retrouvons avec Bourdeau, proprement nettoyées. M. Camusot, faites-nous la grâce d'essayer ces bottes.
    — Je m'y refuse, cela n'a aucun sens.
    — Gardes ! fit Nicolas. Qu'on saisisse le prévenu et qu'on lui passe ces bottes de force.
    — Je ne tolérerai pas ! hurla Camusot.
    Tout se déroula très vite, dans un grand mouvement de résistance et de forcement, avec des soupirs et des cris de rage. Deux gardes saisirent Camusot par-derrière et le couchèrent sur un banc ; deux autres lui maintinrent les jambes. Les bottes enfilées, Nicolas s'approcha.
    — Il apparaît, monsieur, qu'elles vous vont à ravir. Nous avons la même pointure. Nous pourrons faire des échanges, désormais. Qu'on les lui enlève, et qu'on le reconduise.
    Un long silence pesa sur la cour que M. Le Noir interrompit.
    — Monsieur le commissaire, votre obligeance irait-elle jusqu'à nous dire, à nous autres pauvres ignorants, à quoi tend cette scène désagréable ? Vous paraissez naviguer à l'estime dans des méandres connus de vous seul.
    — Monsieur, répondit Nicolas, l'intérêt n'est pas tant que les bottes lui chaussent parfaitement ; c'est le contraire qui est intéressant.
    — Il faudra vous y faire, mon cher, dit Sartine à Le Noir. M. Le Floch a le secret de ces phrases sibyllines. Il approche toujours la vérité en cercles concentriques et il n'est jamais plus près du centre que lorsqu'il en paraît le plus éloigné.
    M. Le Noir hocha la tête, l'air peu convaincu.
    — Qu'on fasse entrer M. von Müvala, dit Nicolas.
    Un jeune homme de haute taille, en habit gris, entra à grands pas et salua poliment à la ronde.
    — Monsieur, fit Nicolas, veuillez décliner votre identité.
    — Friedrich von Müvala.
    — On vous dit originaire des cantons suisses.
    — C'est exact ; je suis né à Frauenfeld, en Thurgovie.
    — Comment se fait-il que vous parliez si bien le français, et sans accent ?
    — J'ai pu bénéficier de l'enseignement d'un précepteur de cette nation.
    — Vos parents ?
    — Morts avant ma naissance.
    — La raison de votre présence dans le royaume ?
    — Voyages d'études et d'agrément. Connaître et admirer Paris.
    — Il nous est revenu que vous vous intéressiez à la botanique.
    — Entre autres. Mais c'est surtout la musique vers laquelle penchent mes intérêts. Et le clavecin, comme vous le savez.
    Il parlait avec aisance et se tournait à chaque réponse vers Nicolas, le regardant avec une sorte de condescendance ironique.
    — Êtes-vous prêt à répondre aux questions que cette commission souhaiterait vous poser par ma voix ?
    — J'aurais pu souhaiter un autre interlocuteur que vous, monsieur.

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