L'affaire Nicolas le Floch
poulet dans sa sauce. Ce dernier point est impossible et totalement aberrant.
— Et pour quelle raison ?
— Julie avait horreur de manger au lit. Jamais elle ne se serait fait apporter quelque nourriture que ce soit. Jamais elle ne m'avait permis de satisfaire une fringale à son chevet. C'est vous dire si la présence incongrue de cette assiette m'inquiète.
Il rougit dans l'ombre d'avoir à évoquer ces détails intimes.
— Autre chose, reprit-il. Comment pouvez-vous imaginer qu'elle ait souhaité manger à son coucher ou durant la nuit alors qu'elle sortait d'un souper fastueux ? Voilà qui n'a pas le sens commun.
Il considérait pensivement la petite écritoire posée sur une table en bois de rose. Des feuilles éparses y gisaient en désordre, avec une plume, un cachet et un bâton de cire verte.
— Soit, pour ce qui nous entoure, dit Bourdeau. Mais le corps ?
— Il nous faudra le considérer de plus près. Il me rappelle celui d'un vieillard qui, une nuit de l'été dernier, à Chaville, se vit attaquer à la gorge par des guêpes. La position des mains était identique. L'empoisonnement, à première vue, est patent, l'étouffement aussi, la gorge paraît gonflée, même vue de loin. L'ouverture nous en dira plus long, je l'espère. Il convient de faire recueillir avec précaution le verre et son contenu, de même que les reliefs de l'assiette.
— Que de traces de pas ! dit Bourdeau. Et des plus boueuses.
— La police, le médecin. Pas grand-chose à tirer de tout cela.
Ils firent le tour de la chambre, cherchant d'autres indices. Bourdeau désigna une porte dérobée ménagée dans la cloison.
— Où mène-t-elle ?
— À l'office par la garde-robe, le cabinet de toilette et les chambres de service.
Bourdeau poussa la porte, traversa une petite pièce garnie de placards ouvrant sur une autre plus vaste, meublée d'une table à miroir et d'une bergère. Il ouvrit une seconde porte qui donnait sur un long couloir couvert d'un chemin de galerie en jute.
— Par ici les empreintes sont beaucoup plus nettes, constata-t-il. Un homme paraît avoir fait l'aller et retour.
Nicolas avança. Bourdeau, stupéfait, se taisait, fixant le sol.
— Voilà qui est bien étrange, reprit l'inspecteur. Dieu me damne si ces empreintes ne sont pas identiques à celles que laissent vos bottes sur le tapis. Vérifiez vous-même.
Ils s'agenouillèrent tous les deux ; Nicolas, au bout d'un moment, rompit le silence.
— Identiques. Absolument et parfaitement identiques.
Nicolas fit quelques pas, s'accroupit et, avec une feuille de son petit carnet noir, entreprit de relever l'estampage de marques sur le parquet à l'aide d'une mine de plomb.
— En fait, pas complètement, reprit-il. Voyez, un clou devait dépasser de la semelle et a éraflé en creux le parquet. Regardez.
— Et ces empreintes sont fraîches, de surcroît. Enfin, de la nuit, murmura Bourdeau gêné.
— Je vois ce que vous pensez. Il y a une explication.
Il regagna la garde-robe, ouvrit une penderie où Bourdeau vit accroché un habit de Nicolas qu'il reconnut et, sur une étagère de traverse, des chemises pliées et des mouchoirs. Cependant, quelque chose ne correspondait pas à l'attente du commissaire et il devina l'accablement de Nicolas.
— Disparue ! Ma deuxième paire de bottes, identiques à celle-ci, disparue. J'ai toujours ici quelques effets m'appartenant.
— Peut-être les domestiques l'ont-elles emportée pour la nettoyer.
— Il ferait beau voir ! dit Nicolas. J'ai appris du marquis, mon père, à ne jamais confier ce soin à d'autres qu'à moi-même. Vous n'obtenez jamais autrement le poli et le brillant d'un cuir semblable à la surface vernie d'un marron d'Inde bien patiné.
— Soit, soit, dit Bourdeau, peu habitué à entendre Nicolas mentionner le nom de son père. Autre chose, ce sont les traces des domestiques !
— Impossible, ils ont coutume de marcher pieds nus. Julie déteste le bruit. Elle aurait voulu qu'on glissât sur les parquets.
— Il reste, reprit l'inspecteur hésitant, que les seules traces de pas relevées dans ce passage sont les vôtres...
Il observa le mouvement d'impatience de Nicolas.
— Les vôtres, ou des traces laissées par vos bottes... Permettez qu'on les suive.
Elles les conduisirent à l'office, qui était dans un ordre parfait. Dans un garde-manger, ils découvrirent les restes d'un plat de poulet qui intrigua Bourdeau, mais que Nicolas
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Eis und Dampf: Eine Steampunk-Anthologie (German Edition) Online Lesen
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