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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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pressée lui rappela un tableau flamand de la collection du roi, dans lequel, sur fond de ciel neigeux, des personnages sans visage déambulaient en procession vers un cimetière figuré dans le lointain. Bourdeau tenta sans succès de lui proposer leur habituelle halte dans un estaminet de la Grande Boucherie, où ils avaient coutume de se lester les entrailles avant les ouvertures. Nicolas n'avait goût à rien et fit observer sèchement à Bourdeau que son accoutrement risquait d'attirer l'attention de leur hôte et que celui-ci, les comptant comme pratiques depuis des années et n'appréciant rien tant que parler sous le nez de ses clients, risquait de percer son incognito.

    Le bruit des roues résonnant sous une voûte le tira de ses réflexions. La voiture s'arrêta. Bourdeau releva d'un air paternel le cache-nez qui dissimulait le bas du visage du commissaire et s'assura que les bésicles fumées étaient bien ajustées, puis examina les environs de l'entrée du Grand Châtelet. La voie était libre. Personne ne rôdait et les vas-y-dire habituels avaient abandonné le lieu pour des retraites plus chaudes. Ils descendirent à la basse-geôle. À ses débuts dans la carrière, Nicolas organisait les ouvertures dans la salle ogivale de la question, près du greffe du tribunal criminel. Depuis, les occasions s'étant multipliées, un petit caveau muni d'une table de pierre à rigole prêtait ses commodités à ces opérations et bénéficiait de la présence toute proche de la morgue, ouverte à la vue du public. Quand Nicolas et Bourdeau y entrèrent, ils eurent la surprise d'y trouver Semacgus et Sanson. Nicolas s'étonna de les voir là, car il était impossible de les avoir joints dans un délai si court à leurs domiciles respectifs. Ils étaient plongés dans une conversation animée, ayant tous les deux été conviés à assister à une opération délicate de la pierre sur un malade hospitalisé à l'Hôtel-Dieu. À l'issue de celle-ci, Sanson avait invité Semacgus à venir admirer de nouveaux instruments provenant de Prusse, que la malle-poste venait de lui livrer.
    — Le bonsoir, messieurs, dit Bourdeau souriant.
    Les deux hommes se retournèrent. Nicolas, en retrait, veillait à ne pas tomber sous la lueur des flambeaux. Il observa que Sanson portait un élégant habit vert. C'était la première fois qu'il le voyait autrement que dans son éternel habit puce. Cela le rajeunissait et compensait la gravité que l'embonpoint naissant lui donnait.
    — Nicolas n'est pas des nôtres ? demanda Semacgus en jetant un regard incisif vers l'ombre où se tenait le faux greffier.
    — Pas cette fois, dit Bourdeau. M. de Sartine n'a pas jugé décent qu'il s'implique dans une enquête, ou plutôt dans une recherche préliminaire, qui le touche de si près.
    Il donna un coup de tête de côté pour désigner Nicolas.
    — M. Deshalleux, greffier. Il prendra note de nos conclusions.
    Nicolas s'inclina.
    — Monsieur l'inspecteur, dit Sanson, notre ami m'a confié les faits. Je souhaiterais que vous fussiez mon interprète auprès de M. le commissaire Le Floch pour lui exprimer la part sensible que je prends à sa peine...
    Le bourreau fut interrompu par l'arrivée du brancard porté par deux hommes et précédé d'un exempt. Le cadavre posé sur la table en pierre, Semacgus et Sanson se mirent en silence à préparer leurs instruments. Ce qui suivit fut pour Nicolas une épreuve épouvantable. Il ne sut jamais comment il avait pu supporter le crissement du scalpel sur la peau, les craquements d'écartement des côtes de chaque côté du tronc, livrant au regard les dégradés nacrés des organes et les divers bruits et odeurs provoqués par l'opération. Plus insupportables encore, furent les commentaires et propos qui accompagnèrent ce travail. Ce corps jadis follement aimé n'était plus qu'un rebut misérable et sanglant. Après l'avoir recousu, salé et enveloppé dans un sac de jute, Bourdeau et Semacgus se lancèrent dans un long conciliabule qui s'acheva par un assaut de politesses pour savoir qui dicterait les conclusions. Finalement, Sanson se mit en devoir de résumer leurs considérations. Bourdeau heurta du coude Nicolas, pour lui rappeler d'avoir à prendre en note ce qui allait être dit.
    — Nous, commença Sanson, Guillaume Semacgus, chirurgien de marine et Charles Henri Sanson, bourreau et maître des hautes œuvres de la vicomté et sénéchaussée de Paris, demeurant séparément en

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