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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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cette ville et dépendances, certifions et attestons nous être, en ce jour 7 janvier 1774, en vertu de l'assignation à nous donnée ce dit jour par Pierre Bourdeau, inspecteur au Châtelet, transportés en compagnie jusque et, en la prison du Grand Châtelet, en un caveau situé près la basse-geôle, avons opéré une ouverture sur le cadavre de dame Julie de Lastérieux et de cette visite tant extérieure qu'intérieure avons dressé procès-verbal. Nous rapportons en conscience avoir trouvé que le corps de la dame de Lastérieux, dans toutes ses parties extérieures, est sain et entier, sans contusions ni blessures, et dans son état naturel, ayant seulement les articulations raides et la peau des cuisses et des jambes comme vergetée et fouettée, effet naturel d'une mort violente. Passant ensuite à l'ouverture du cadavre, et commençant par celle du bas-ventre, avons trouvé les viscères sains à l'extérieur, de l'intérieur de l'estomac nous avons retiré environ une chopine d'une liqueur brunâtre mêlée de caillots de sang, la surface interne de ce viscère paraissant irritée et teinte d'un rouge clair ineffaçable au frottement d'une serviette. Quant à la couleur...
    — Permettez, cher confrère, dit Semacgus, mais je crains que vous n'omettiez certains détails.
    — C'est tout à fait juste, pardonnez-moi. Je reprends : « Alors, l'estomac est apparu vide de toutes substances solides avec juste un peu de liquide. Quant à sa couleur étrange, elle ne s'est pas retrouvée dans le premier intestin, qui était fort sain ainsi que le reste du canal. Nous avons ensuite procédé à l'ouverture de la poitrine. Les poumons étaient sains, ainsi que le cœur. Le conduit de l'œsophage semblait fort irrité. Les masses musculaires et muqueuses du cou étaient fort gonflées. À l'examen de la bouche, nous n'avons découvert aucune lésion, les dents sans fractures, ce qui indique parfaitement qu'on n'a usé d'aucune violence pour faire avaler quelques substances étrangères et nuisibles. La visite des parties sexuelles dudit cadavre a montré, par ce que nous y avons recueilli, qu'un coït pourrait être intervenu peu avant la mort. D'après quoi, nous avons salé le cadavre de ladite défunte dame de Lastérieux, afin de le pouvoir conserver aux fins d'examens ultérieurs. Fait et arrêté, notre présent procès-verbal de rapport, à servir et valoir ce qu'il appartiendra, offrant d'être répété sur icelui, si requis est. Ce 7 janvier 1774. Avons signé sur la minute Guillaume Semacgus, Charles Henri Sanson, Pierre Bourdeau, et contresigné du greffier Deshalleux qui a établi la copie. »
    Au-delà de son désarroi, Nicolas éprouvait le caractère inhabituel de cette séance. Même si Bourdeau menait son affaire avec détermination et méthode, l'ouverture s'était effectuée dans le mystère du seul dialogue médical. Manquaient à son développement ces remarques candides, marquées du sceau du bon sens et de la curiosité, que lui seul savait formuler au moment opportun. Il est vrai que, cette fois, l'objet de cette recherche lui était si proche que les mots ne lui seraient peut-être pas venus pour exprimer ses interrogations. Il avait l'impression d'assister à un quatuor auquel aurait manqué un instrumentiste, celui par qui tout s'ordonnait et s'éclairait. Il est vrai que la pratique judiciaire imposait au médecin et chirurgien commis en ces sortes d'affaires d'éviter de se prononcer, leur fonction se limitant à énoncer un certain nombre de constatations qui établiraient l'opinion des limiers et des juges. La recherche ultérieure des preuves et l'interrogatoire des suspects, poussés jusqu'à la question dans les affaires criminelles les plus graves, achevaient les procédures d'enquête. L'inspecteur, sans doute remué lui-même par les doutes de son chef, paraissait lui aussi perplexe et déçu de ce qu'il venait d'entendre.
    — Messieurs, dit-il, tout cela est bel et bon, mais je distingue mal dans vos propos les éléments signifiants. Et quid des raisons et causes du décès de Mme de Lastérieux ?
    Semacgus et Sanson s'entreregardèrent. Le chirurgien de marine toussa et croisa ses grandes mains dont il fit craquer les articulations.
    — Il est encore trop tôt pour se prononcer, dit-il. Probable que cette femme est morte victime d'un empoisonnement. Il justifierait les lésions irritantes observées dans les organes, et en particulier cet œdème du cou fort

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