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L'amour à Versailles

L'amour à Versailles

Titel: L'amour à Versailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Baraton
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entières, comme les soeurs Mancini. Il n’est bien entendu pas question de mariage, mais le lit royal vaut toutes les noces et toutes les carrières, d’autant que par la suite le monarque leur assure un mari discret, et fortuné. Certes, elles sont consentantes – qui se refuserait au plus grand prince d'Europe ? –, mais elles n’en sont pas moins vendues d’une manière assez ignoble. Ainsi l’aristocratie la première fait commerce de son corps et, avec Louis XIV, ce commerce est florissant.
    Il y a ensuite les femmes de moindre condition, les chambrières, les servantes, que la favorite en titre glisse dans la couche royale lorsqu’elle ne peut s’y rendre, et qui ne risquent pas de lui faire de l’ombre. Mme de Montespan sera championne du genre : lorsqu’on la sert, on peut être sûre de servir le roi, il n’y a plus qu’à attendre qu’elle soit enceinte, ce qui lui arrive souvent. Il y a aussi tous ces nobles de province, qui profitent de leur venue à Versailles pour s’offrir les services d’une professionnelle. La chose est d’autant plus aisée que les auberges y sont de plus en plus nombreuses. J’ai même retrouvé les tarifs : une nuit à l’auberge comprend la couche, la fille, et le couvert, le tout pour un sou. Si la bonne hôtesse n’a pas suffi, on trouve aussi des filles dans les bains publics ou dans les établissementsspécialisés, situés en bordure des villes, et qui prennent de ce fait le nom de bordels ou de bordeaux. Ajoutez à cela que la ville de Versailles, entre les travaux et la garnison, compte en 1687 une population masculine de plus de soixante mille hommes, vous aurez une idée de la prostitution à Versailles.
    De fait, le bois qui entoure le château tend à devenir un claque à ciel ouvert. Il y a quasiment autant de filles que d’arbres, et celles-ci s’effeuillent beaucoup plus facilement. Le roi s’en inquiète : les filles qui lèvent leurs jupes et racolent à l’entrée du château, cela fait désordre. Bien plus, le roi craint pour la santé de ses militaires et de ses employés : si la vérole fait des ravages, les travaux avanceront moins vite, sans compter les conflits dans les familles qui risquent eux aussi de nuire à la bonne tenue des délais de construction. Ce n’est pas si ancien, mais je me souviens encore très bien des épouses, qui, les jours de paie, venaient chercher leur homme et leur solde, de peur que celle-ci ne parte en filles sur le chemin de Versailles à leur domicile. Ce n’est donc pas pour la morale, mais bien pour la santé publique que Louis XIV prononce un édit stipulant que « tous ceux qui se prostituent à proximité du château, tous ceux qui en tirent profit, seront fouettés en place publique, leurs effets personnels seront confisqués au profitde la Couronne ; ils auront en outre le nez et les oreilles coupés ». Une jolie façon d’interdire aux dames d’exercer le plus vieux métier du monde, même de nuit, ou alors il faudrait qu’elles lèvent leurs jupons fort haut !
    Grâce à l’édit, les bois retrouvent leur aspect bucolique, les grues quittent la forêt, migrent et font leur nid en ville : de l’autre côté des « bordures » : les maisons closes pullulent. Le plus curieux est qu’à l’époque, c’est la lecture qui sert de préliminaires ! On feuillette des livres érotiques avant qu’une fille se libère. Comme chez le médecin, on lit en attendant son tour. On parcourt Les Confessions d’un c… avant de passer au boudoir, Le Pied de Fanchette avant de prendre le sien. Mon préféré est plus tardif. Il date de 1796 et s’intitule L'Enfant du bordel . C'est l’histoire d’un bienheureux, fils d’un duc, et d’une marchande de mode, « le coup d’essai d’un page de seize ans », qui l’éduque en le traînant de maison en maison. L'ouvrage, délicieusement orné, dans une édition très chic de La Pléiade, est d’une modernité étonnante et fort drôle. On y trouve des poèmes :
    Du Dieu qui gouverne la terre,
    Si j’avais un instant les droits,
    Je m’en servirais pour me faire
    Un vit de chacun de mes doigts
    Et pour contenter mon envie,
    Je voudrais avant de mourir,
    Foutre mon sang, foutre ma vie,
    Et foutre mon dernier soupir.

    Quelques curiosités, comme un « clitoris de six pouces de long » et un hermaphrodite, de l’action, « en peu de secondes je fus dépouillé de tous mes vêtements », de la religion, « M. le curé, profitant du moment où je

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