L'amour à Versailles
n’avais plus la tête à moi, avait déboutonné sa culotte, en avait tiré un membre d’une taille très raisonnable, m’avait placée à sa guise, et s’amusait à me dépuceler pour me rappeler à la vie », quelques tribades et moult godemichés. Ces paillardises sont peut-être moins efficaces, mais autrement plus amusantes que nos films pornos !
Ces maisons du plaisir se reconnaissent à la couronne de lauriers tressés qui décore leur fronton. Les médecins ont le caducée, les notaires ont leur Marianne, les prostituées ont leur arbre. Le plus drôle est qu’à l’origine du laurier, il y a une histoire de chasteté, Daphné, une jolie nymphe de la mythologie, préférant être transformée en plante plutôt que de subir l’étreinte d’Apollon! Enfin, une orchidée, du grec orchis , testicules, ou le fameux champignon nommé Phallus impudicus auraient peut-être été trop suggestifs. A Versailles, les lauriers sont ainsi cultivés non loin de la pièced’eau des Suisses ainsi sur la Petite Place, une institution qui a duré jusqu’au XX e siècle. Si les maisons sont discrètes, les rues qui les abritent ont des noms des plus explicites : rue « Tire-Boudin, Trousse-Putain ou Brise-Miche, une rue qui existe encore à Paris, non loin de l’Hôtel de Ville, on sait quoi trouver, de telle sorte que, si Louis XIV ne voit plus de filles hantant ses bois, il constate que son armée souffre encore de vérole. Considérant la prostitution comme un vice, puisqu’il n’a pas à y avoir recours, et voyant ses soldats tomber comme des mouches avant d’atteindre le champ de bataille, pour une fois, il cède à l’Église : en 1687 les maisons closes sont interdites. Les couronnes sont arrachées :
Nous n’irons plus aux bois,
Les lauriers sont coupés.
Chapitre 8
Les jardins Montespan
Pour moi, à Versailles, les jardins devraient avoir un nom de femme. Les visiteurs déambuleraient, bras dessus bras dessous, dans les bosquets La Vallière, le parc Pompadour et les prés Marie-Antoinette. Dans le château, aux alentours, les grandes femmes ont laissé leur influence et leurs marques, parfois effacées par d’autres, le Trianon de porcelaine pour Mme de Montespan, devenu celui de marbre pour Maintenon, le Petit Trianon pour Mme de Pompadour finalement aménagé pour Mme du Barry, mais c’est dans les jardins que je sens leur inspiration, leurs aspirations, leur personnalité.
Il y a, dans le parc, tout un itinéraire que j’ai rebaptisé « les jardins Montespan ». Je le fais parfois visiter à quelques amis, ayant le goût des fleurs, des promenades, et celui de l’imagination. De toutes les belles dames qui ont hanté Versailles, Mme de Montespan est la première qui eut unamour réel pour les jardins, et Louis XIV, plus d’une fois, se fia au bon goût de sa favorite, voire se laissa influencer par elle. Femme sensuelle et délicate, il est normal qu’elle aime les fleurs, les fleurs aux parfums enivrants, inoubliables, comme elle : à côté du Trianon de porcelaine, elle demande des jasmins, des tubéreuses, des anémones, et bien évidemment, des narcisses. Ce ne sont pas des fleurs d’apparat, ou fragiles, elles sont modestes, proliférantes et sucrées, comme celle que l’on baptise volontiers « la Sultane » tant il est vrai qu’elle est dans ses manières quelquefois excessive, que la mode est à l’Orient et que Louis XIV ne se conduit guère différemment d’un pacha entouré d’un harem. On raconte que l’odeur des fleurs à Trianon était si forte qu’elle rendait la terrasse désagréable lors des soirées estivales. Le Trianon de porcelaine, « commode pour passer quelques heures du jour pendant le chaud de l’été », devait d’ailleurs avoir un je-ne-sais-quoi d’oriental, voire de chinois, avec son décor de céramiques bleues, ses grandes pièces fraîches à un étage, et son « cabinet des parfums » dans lequel Athénaïs recelait des essences parfumées, pour le plaisir des sens. Pour moi, c’est à elle que les jardins de Versailles doivent cette délicieuse note d’extravagance qui fait que tout n’y est pas seulement « ordre et beauté », que l’esprit de géométriede Le Nôtre architecte y est quelque peu affolé et que l’écrasante majesté du Roi Soleil devient parfois rieuse.
Ma balade dans « les Jardins Montespan » commence à deux pas du château, au bosquet de la Reine, achevé en 1669 à l’occasion d’une fête donnée pour la
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