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L'amour à Versailles

L'amour à Versailles

Titel: L'amour à Versailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Baraton
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passion. C'est une scène de théâtre de boulevard, mais royale, où il fait bon crier, hurler, faire retentir les cimes des arbres de reproches et de récriminations, puis se consoler, se cajoler, essuyer une larme de chagrin ou de tristesse, plus loin, sur un rocher qui fera office de banquette. En effet, le Grand Siècle n’est pas toujours aux alexandrins et à la préciosité : les élégantes de la Cour se chamaillent bruyamment et s’insultent allègrement à l’image de la duchesse de Chartres et la princesse de Conti se traitant mutuellement, et ce fréquemment, de « sac à vin » et « sac de guenilles ».
    Certains bosquets ne sont pas là pour satisfaire quelque exigence ornementale, ils sont là uniquement pour s’isoler et, je le crois, batifoler. On a tendance à croire, et ce n’est pas faux, que Louis XIV est l’homme de la représentation,s’admirant et se montrant partout dans son château, ses glaces et jusque dans l’eau de ses fontaines, et que l’intime, la solitude, seraient venus plus tard, avec Louis XV et surtout avec Marie-Antoinette, mais quelques bosquets sont présents pour témoigner que le Roi Soleil avait besoin de temps en temps de s’éclipser. Ce sont des lieux qui se prêtent à la confidence, aux caresses aussi. Le bosquet de l’Encelade est pour moi, de tous, le plus coquin. La raison en un simple : la plupart des bosquets sont des écrins de verdure, contenant statues, fontaines ou quelque merveille végétale qu’il convient d’admirer. Mais à l’Encelade point de tout cela, l’endroit n’a pas de meilleure fonction que d’offrir un cadre agréable pour « poser culotte » ou « se faire trousser ». Je ne vois pas trop ce qu’on pourrait y faire de mieux. Idem pour celui du Dauphin ou de la Girandole : quand on y entre, il n’y a pas de doute à avoir sur ce qui s’y passait, à tel point que, lorsque je vois des jeunes couples pénétrer les lieux, je me doute que l’un des deux amants est d’humeur érotique et souhaite effeuiller la marguerite en paix.
    A l’Encelade, la végétation est dense, suffisamment variée pour qu’un « écran vert » soit toujours présent afin de préserver l’intimité des visiteurs, masquée qui plus est de hautes haies de charmilles. Il y règne, aujourd’hui encore, unétonnant silence. Sous Louis XIV, il y a beaucoup de monde dans les jardins. Pour en avoir une idée approximative, il faut venir un jour d’affluence : là, on comprend tout de suite que les bosquets ont aussi été conçus pour s’isoler de la foule. Ils sont coupés du bruit : à l’intérieur, on n’entend pas le vacarme des allées tandis qu’il y a peu de chance que des cris, des murmures, des froissements de robes et de manteaux s’échappent des grandes murailles de verdure. Pour moi, c’est l’endroit idéal pour tromper la vigilance de la Cour, de la reine et de la favorite, obliquer et disparaître quelques minutes pour amener une des « liaisons traversières » dont nul, pas même Louis XIV, ne connaît le compte exact, voire une de ces femmes d’une heure dont on disait que le roi « se servait comme des chevaux de poste, que l’on ne monte qu’une fois et qu’on ne voit jamais plus ».
    Attention, le bosquet de l’Encelade n’est pas, non plus, un bordel de plein air ! Même aux occasionnelles, Louis XIV savait offrir un moment royal. Le lieu est fleuri, avec au centre la statue du géant Encelade enseveli sous la lave en guise de fontaine; on y entend le doux clapotis de l’eau, le bouillonnement de la statue d’où s’élève un jet d’eau à plus de dix mètres de haut et le bourdonnement des abeilles venues se poser sur les fleurs des plantes qui couvrent la palissade : la passe serarapide, mais de bon goût, bucolique. En été, Louis XIV y mènera une dame pour qu’elle y profite de la fraîcheur, en hiver des quelques rayons de soleil car l’endroit est à découvert. Et qui sait, ce géant à grandes mains, si puissant, qui crache l’eau si loin, pourrait bien donner des idées. Une fois la surprise de la découverte passée, il convient de s’asseoir, pour profiter d’une vue délicieuse et d’un moment déjà inoubliable.
    Il se trouve justement que Le Nôtre, homme de génie, a eu la bonne idée de prévoir des petits bancs de bois, à l’ombre, sous un treillage dru qui préservera la blancheur du teint de la marquise, de la comtesse, ou seulement de la beauté que l’on tient à son bras. Pour

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