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L'Amour Courtois

L'Amour Courtois

Titel: L'Amour Courtois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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être un éblouissement, une fulgurance, ou même une « illumination »,
au sens bouddhique du terme, elle se rapproche trop du thème de la « Brève
Rencontre » pour ne pas provoquer elle aussi une réflexion d’ordre
métaphysique. Le problème posé ici concerne le rapport entre l’être et le temps
considéré comme un absolu et non comme une durée. Les troubadours qui ont mis
cette question en jeu se sont-ils aperçus qu’ils frôlaient la discussion
théologique ? Peut-être, et dans ce cas, il conviendrait sans doute d’évoquer
la présence cathare, obscure mais tenace, par-derrière toutes les manifestations
littéraires de l’Occitanie médiévale. Et quoi qu’il en soit, le débat sur l’espérance
de jouir et la jouissance ne peut être clos par une réponse, puisqu’en lui-même
il provoque quantité d’autres questions.
    C’est dans cette optique métaphysique et théologique qu’il
convient d’examiner certains autres sujets de jeux-partis  :
« Qui emploie le mieux son temps, de l’homme qui poursuit une femme de
mérite avec l’espérance d’en jouir, ou de l’homme qui aime une sotte dont il
jouit ? » Ici, le thème est nettement cathare. La sotte représente l’Église
catholique romaine qui, avec son attirail de sacrements et de cérémonies, offre
une sécurisation immédiate au fidèle, tandis que la femme de mérite est l’Église
cathare, tout au moins la foi cathare qui, dans
des conditions très rudes, dans des dangers et des tourments perpétuels, fait
espérer la remontée de l’Ange de Lumière vers les divins séjours. Il en est de
même pour cet autre sujet de débat : « Lequel est préférable, l’amour
d’une femme inexorable ou les faveurs d’une autre qui ne vous aime pas ? »
L’allusion est claire. Mais cette interprétation cathare n’est absolument pas
contradictoire avec la compréhension au premier degré, dans le cadre de la
casuistique amoureuse. Disons simplement que, très souvent, les troubadours se
sont servis des thèmes littéraires à la mode pour transmettre un message qu’ils
n’auraient pu livrer à découvert. Et il est bien certain que le véritable amour
– qu’il soit sentimental et sexuel, ou qu’il soit mystique – ne peut se
contenter de faveurs qui viendraient d’une « sotte » ou d’une dame
qui n’aime pas vraiment. L’amour humain et l’amour divin ne souffrent pas la
médiocrité. Et, de la même façon que pour les cathares, le monde ne pourra
redevenir le royaume de Lumière que lorsque la dernière âme humaine aura été
sauvée, pour les zélateurs de la fin’amor , le
royaume d’Amour ne verra le jour que lorsqu’il n’y aura plus un seul faux amant
sur cette terre. Ce sont des considérations de ce genre qui rendent si envoûtant
le phénomène de l’amour courtois, et l’on voit qu’on s’éloigne de plus en plus
des stériles jeux de sociétés trop largement répandus par l’opinion des médiévistes
à ce sujet.
    Ce désir de pureté dans l’amour, cette soif d’absolu qui
caractérise la quête de la dame inaccessible, cela explique les fréquentes
colères des troubadours contre ceux qui trahissent, contre ceux qui dénaturent
le sens même de cette quête. Ainsi, le poète Marcabru lance-t-il de véritables
imprécations : « Celui qui hésite en face de Prouesse a semblance de
pervers […] Amour jadis était droit, mais aujourd’hui il est tordu et ébréché, et
il a tel vice – écoutez ! – que là où il ne peut mordre, il lèche plus
âprement qu’un chat […] Il trafique avec le diable celui qui s’unit à Fausse
Amour, et il n’a pas besoin d’autre verge pour se faire battre – écoutez !
– Il ne s’en ressent pas plus que celui qui se gratte jusqu’à ce qu’il soit
écorché vif. » Et cela va même parfois jusqu’à accuser les femmes d’être
les responsables de cette trahison, en des accents de misogynie qu’on croyait absente
de la poésie courtoise. « Elles ont un cœur si fin et si subtil pour
tromper », dit le troubadour Peire de Bossinhac, « qu’on ne peut en
trouver une seule qui trompe sa pareille. Elle s’en moque ensuite et s’en rit
quand elle la voit commettre des folies […] Elles vous feront haïr ce que vous
avez de plus cher, et aimer ce qui, de mille ans, ne vous apportera aucune joie
[…] Celui qui chez les femmes croit trouver fidélité mérite bien d’être blâmé. Je
dis, moi, qu’il va chercher du

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