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L'Amour Courtois

L'Amour Courtois

Titel: L'Amour Courtois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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rien à son profit. » L’égoïsme individuel est maintenant dépassé. La joie , qui est finalement le but à atteindre, est
métamorphose des êtres en un autre être fusionnel qui n’a plus rien à voir avec
ce qu’on raconte volontiers de la procréation. Pour les amants courtois, il n’y
a nul besoin de prolonger l’amour dans un troisième être charnel qui serait l’enfant.
À vrai dire, cet enfant est totalement exclu, puisque la relation courtoise est
adultère, tout au moins hors mariage, et que la procréation est du domaine du
mariage exclusivement. L’amour courtois résout dans une certaine mesure le
problème qui résulte de la confusion entre sexualité, amour et procréation. Le
nouvel être créé ainsi par le comportement fusionnel des amants est un être spirituel , subtil , qui
se développe en dehors de toutes les contingences. Et il n’y a ni père ni mère,
puisque cette différenciation sexuelle supposerait des rôles différents, mais
deux géniteurs de même nature et dans la plus complète égalité.
    Ainsi est mise en valeur la puissance du regard. C’est d’ailleurs
le premier témoignage d’amour que recherchera l’amant lorsqu’il entreprendra la
quête de la dame. Cela pourra même aller jusqu’au voyeurisme, si l’on en croit
certains récits de la vie des troubadours. La Vie de
Raimbaut de Vaqueiras nous apprend ainsi pourquoi le poète appelait sa
dame du senhal (surnom) de « Beau
Chevalier » : « Raimbaut avait la bonne fortune de pouvoir voir
madame Béatrice quand il voulait, pourvu qu’elle se trouvât dans sa chambre. Il
regardait par le soupirail. Personne ne s’en apercevait. Un jour, le marquis, rentrant
de la chasse, vint à sa chambre et posa son épée à côté du lit ; puis il
sortit. Madame Béatrice, qui était restée dans la chambre, enleva son surcot et
demeura en chemise de dessous. Elle prit alors l’épée et la ceignit, comme les
chevaliers ; puis elle la tira du fourreau et la brandit en l’air […] Et
Raimbaut de Vaqueiras vit tout ce que je viens de vous dire à travers le soupirail. »
Il s’agit là d’un regard individuel, bien sûr, mais combien d’amoureux courtois
n’ont-ils pas cherché à regarder ainsi leur dame ! Cela correspond à une
muette adoration. Puis vient ensuite la recherche du regard de l’autre, la
réponse de l’autre, qui est une récompense à la constance de l’amant. Enfin
peut venir le regard fusionnel, premier stade vers l’accomplissement du couple.
    Le deuxième stade est le baiser. D’après le texte de Flamenca , « la bouche ne peut s’empêcher, dans
un baiser, de garder à son avantage un peu de cette douce saveur avant qu’il n’en
parvienne quelque chose au cœur. Et le baiser que prend la bouche est une
garantie pour chacun des amants : il ressent la joie sincère que l’amour
lui donne ». Mais ce deuxième stade, dans l’optique proprement courtoise
peut faire dévier la fin’amor . Car ceux qui « peuvent
prendre un baiser quand il leur plaît […] tournent ensuite pour ôter la
ceinture des femmes ». L’union spirituelle devient charnelle, ce qui, pour
l’auteur de Flamenca , tout au moins, est une
déviance : « Il en est qui ne sauraient jamais oublier la joie d’amour
qui pénètre par les yeux, ni par l’étreinte, ni dans le baiser. » Mais
encore une fois, gardons-nous de considérer l’amour courtois comme uniquement
spirituel et de mettre une barrière entre la fin’amor et l’amour vulgaire. Ce n’est pas si simple. L’auteur anonyme de Flamenca a beau insister sur la valeur incomparable
du regard, il sait très bien que le regard constitue la première porte à ouvrir.
Et il n’y a que la première porte qui soit difficile à ouvrir : « Le
baiser est le véritable signe de la joie que le parfait Amour apporte par les
yeux, dont il fait une porte claire, pure et lumineuse où il se voit et se mire
souvent, quand il va et vient, dedans, dehors, et pénètre d’un cœur à l’autre.
Et il rend ces cœurs si pleins l’un de l’autre que chacun pense défaillir quand
l’autre lui manque s’il ne le voit aussitôt dans le miroir où leur désir les
fait venir s’embrasser, se baiser, s’étreindre et prendre joie si subtile qu’ils
en oublient toute pensée et tout souci tant que dure leur plaisir. Et il faut
croire qu’il n’eut jamais bonne aventure d’amour celui qui doute tant soit peu
que nos amants n’éprouvent une telle

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