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L'Amour Courtois

L'Amour Courtois

Titel: L'Amour Courtois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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d’Émain,
à venir la rejoindre dans l’île des Femmes. Avec plusieurs compagnons, Bran s’embarque
et part à la recherche de cette île. Il accomplit une « navigation »
merveilleuse, construite sur un schéma analogue à celui de l’ Odyssée , avec des étapes dans des îles étranges et
des rencontres non moins surprenantes. Parvenu enfin dans l’île des Femmes, la
reine de l’île, qui semble très éprise de lui, l’invite à demeurer avec elle et
donne des femmes à ses compagnons. Mais le mal du pays s’empare de ceux-ci. Ils
obligent Bran à repartir vers l’Irlande. La reine les prévient de ne jamais
mettre pied à terre. Effectivement, quand ils sont sur la côte irlandaise, l’un
des compagnons de Bran saute sur le rivage et disparaît en cendres. Bran s’aperçoit
qu’il s’est écoulé plusieurs siècles pendant son séjour dans l’île des Femmes.
    Cette Navigation de Bran a
été adaptée un peu plus tard dans un autre récit, la Navigation
de Maelduin  : le périple initiatique y est plus long et plus
compliqué, mais Maelduin lui aussi est invité par la reine de l’île
merveilleuse dont il devient l’époux. Mais là, on nous dit que les navigateurs
restèrent les trois mois de l’hiver et que ces trois mois leur avaient paru
trois ans. La notion de temps est inversée, et les compagnons de Maelduin, après
avoir obligé celui-ci à partir, retrouvent sans difficulté leur terre natale.
    Une autre adaptation du récit primitif a eu un succès considérable
dans l’Europe médiévale, mais le mythe païen a été entièrement christianisé
autour d’un saint irlandais, fondateur de l’abbaye de Clonfert : ainsi est
apparue la Navigation de saint Brendan à la
recherche du Paradis. Les détails du périple initiatique sont souvent les mêmes,
mais les intentions morales sont plus qu’évidentes : il s’agit bel et bien
de remplacer l’image de la Terre des Femmes décidément trop païenne et suspecte
de diabolisme par une vision lénifante et rassurante du Paradis chrétien [75] .
Cependant, l’idée fondamentale reste la même : c’est une tentative de l’être
humain pour découvrir le vrai visage de l’Autre Monde, en dehors de l’espace et
du temps, une négation du temps réel, une sublimation des instincts qui
poussent vers l’infini, le tout au prix d’une initiation symbolique qui peut se
révéler parfois dangereuse à accomplir.
    Le schéma de ces trois récits est significatif. La version chrétienne
en fait une quête du Paradis, une sorte de quête du saint Graal. Les deux
versions « païennes » en font une quête de la Femme féerique ou
divine. Sur le plan du mythe, c’est exactement la même chose. Et cette quête ne
peut s’accomplir qu’au prix de durs efforts à travers des épreuves dont
certaines sont redoutables. Bran et Maelduin sont comparables au chevalier qui,
ayant jeté ses regards vers une dame en apparence inaccessible, met tout en œuvre
pour la rejoindre. La vision paradisiaque de saint Brendan n’est pas différente
de ce qui se passe dans l’île d’Émain Ablach : la fusion absolue de l’être
humain avec la divinité, du chevalier-amant avec sa maîtresse divine, et cela
dans la joie ineffable qui fait perdre la notion du temps, faisant basculer le
couple ainsi créé dans un instant sublime qui équivaut à l’éternité. L’expérience
de Bran, comme celle de Maelduin, conduit à la chambre ,
ce sanctuaire interdit de la dame, en un palais magnifique, sur une île qui est
un verger , point idéal où se rencontrent, au
milieu des eaux, le ciel et la terre.
    Et, dans cette île, la femme apparaît sous son jour
véritable, elle est l’initiatrice de l’homme qu’elle a choisi comme étant le
plus capable de supporter le secret qu’elle dévoile et d’assumer ainsi pleinement
le rôle qu’il doit maintenant jouer. Car le navigateur, comme le
chevalier-amant, est devenu un véritable prêtre qui se voue au service de la
dame, autrement dit la divinité-mère, la déesse des commencements. Et comme le
temps n’existe plus, la déesse des commencements est également la déesse des
fins dernières, ou plutôt la déesse éternellement jeune, belle et aimante qui
domine le monde de façon tyrannique, c’est-à-dire en
donnant tout à condition qu’on lui donne tout. C’est l’exaltation de la fin’amor bien avant que les poètes courtois en aient
agité la problématique.
    Cette fonction initiatrice

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