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L'Amour Courtois

L'Amour Courtois

Titel: L'Amour Courtois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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furieux,
il arriva à se tenir sur le milieu du pont. Et le pont ne rétrécit pas, ne
devint pas dur et ne se fit pas glissant sous lui. » Il réussit donc l’épreuve,
et après s’être pris de querelle avec les gardes, il est reçu par Scatach dans
sa maison. Il est cependant très fatigué et blessé. Comme Lancelot dans le
palais de Baudemagu, il a des blessures sanglantes. Il se repose sur un lit. Mais
pendant la nuit, Uatach vient le trouver, avec des intentions très précises. Cûchulainn
la repousse en disant : « Ne sais-tu pas, ô fille, que c’est violer
un interdit, quand on est blessé, que de coucher avec une femme ? »
    Cela donne un jour nouveau à la scène qui se déroule entre
Lancelot et Guenièvre, dans le palais de Baudemagu. Lancelot se soucie peu de
ses blessures, et dans le cadre de la société courtoise décrite par Chrétien de
Troyes, il ne sait plus la valeur de l’interdit sur le sang : d’où les
taches révélatrices dans le lit et l’accusation portée ensuite contre le
sénéchal Kaï. Les blessures sanglantes – comme les menstrues de la femme – sont
un obstacle pour la réalisation de l’acte d’amour et sont donc sous le coup d’un
interdit ancestral. Cûchulainn, dans le cadre de la société druidique qui est
la sienne, a pleinement conscience de cet interdit. Voilà pourquoi il repousse
la jeune Uatach.
    Mais celle-ci revient peu après, entièrement nue cette fois,
et elle se glisse dans le lit de Cûchulainn. « Cûchulainn était grandement
ennuyé : il étendit sa main valide vers la fille et rencontra le doigt de
celle-ci, de sorte qu’en la repoussant, il tira la peau et la chair, et qu’il
la blessa et marqua rudement. » Uatach proteste énergiquement, et elle
menace Cûchulainn d’un geis de destruction s’il
refuse encore de coucher avec elle. Cûchulainn demeure obstiné dans son refus. Ce
n’est que parce que Uatach lui promet qu’il obtiendra de Scatach les trois
tours magiques, dont le fameux gai bolga , ou « jet
de foudre » [76] , et qui feront de lui le
meilleur guerrier du monde, qu’il finit par accepter la proposition de Uatach, et
celle-ci lui révèle les moyens à employer pour obtenir les secrets de sa mère [77] .
    C’est donc par une relation amoureuse que Cûchulainn accède
au rang de premier guerrier du monde. Sa quête de la femme le conduit à la
plénitude. Il y a là une analogie frappante avec l’histoire de Lancelot du Lac
qui devient le meilleur chevalier du monde pour Guenièvre et grâce à elle, puisqu’elle
est à la fois le but projeté et l’initiatrice inconsciente de la maturation de
son amant. Cela montre d’ailleurs encore une fois l’équivalence mythologique
entre Lancelot et Cûchulainn, et cela met en évidence l’une des sources
incontestables de la fin’amor .
    Un autre épisode du cycle de Cûchulainn renforce cette certitude,
celui qui est relaté dans un texte intitulé soit la
grande jalousie d’Émer , soit la maladie de
Cûchulainn . Lors d’une fête de Samain (1 er  novembre),
Cûchulainn voit passer deux oiseaux reliés entre eux par une chaîne d’or (thème
courant du mythe des femmes-cygnes, c’est-à-dire des personnages divins ou féeriques
apparaissant sous forme d’oiseaux), et il veut les abattre d’une balle de
fronde. Il manque son coup et ne peut que blesser l’un d’eux. Les oiseaux
disparaissent. Cûchulainn se sent pris de langueur et va s’adosser contre un
pilier de pierre. Il s’endort. « Il vit venir à lui deux femmes ; l’une
avait un manteau vert, l’autre un manteau de pourpre à cinq plis. La femme au
manteau vert alla vers lui, se mit à lui sourire et lui donna un coup de
cravache. L’autre vint vers lui, lui sourit et le battit de la même manière. Elles
furent longtemps occupées ainsi à le frapper chacune à son tour ; aussi
peu s’en fallait qu’il ne fût mort. Puis elles partirent » (trad. Georges
Dottin).
    Cette anecdote est pour le moins étrange. Les deux femmes
sont bien évidemment les deux oiseaux, donc des êtres féeriques. On songe à
Yseult et à sa suivante Brengwain, c’est-à-dire respectivement la déesse
solaire et la déesse de l’amour. On apprendra plus tard qu’il s’agit de Fand, une
déesse de l’Autre Monde, épouse du dieu Mananann, et de sa suivante Libane. On
apprendra également que Fand était depuis longtemps amoureuse de Cûchulainn. Mais
en attendant, les deux femmes-fées traitent

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