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L'Amour Courtois

L'Amour Courtois

Titel: L'Amour Courtois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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la
nature divine, et, de ce fait, niant une quelconque importance de Marie, rejetait
toute intrusion du féminin dans la doctrine chrétienne. Saint Athanase, par
réaction, dut accroître au contraire cet élément féminin. Selon lui, si Marie n’était
pas la mère du Verbe, ce Verbe ne pouvait pas avoir été consubstantiel ( homoousios ) au genre humain. Donc il fallait bien
que Marie fût la véritable mère du Christ, avec toutes les conséquences que
cela comportait, si l’on voulait prouver le caractère divin de Jésus, parallèlement
à son caractère humain. Et Marie sortait de la discussion comme étant le
creuset où s’était réalisée la fusion entre l’humain et le divin. Cette idée n’a
cessé de hanter non seulement les théologiens, mais aussi les théoriciens de la fin’amor .
    Le problème est que tout cela était discussion d’intellectuels
parlant par concepts abstraits et parfaitement conscients de la valeur
symbolique des images et des mythes qu’ils manipulaient à leur propre usage. Les
fidèles n’en avaient cure, y compris les petits curés de campagne, à peine
moins ignares que leurs ouailles. Et il eût été impensable de leur présenter de
telles théories. Ils se contentaient de suivre ce qu’on estimait bon de leur
dire, pour qu’ils pussent maintenir dans la bonne direction – celle de l’Église,
mais aussi celle du pouvoir temporel – les troupeaux qui n’espéraient qu’une
chose, être récompensés dans l’Autre Monde de la bonne volonté qu’ils avaient
ici-bas.
    Or, ce que les théologiens ont tendance à ignorer, c’est la
pesanteur exercée sur les institutions par la grande masse. Après les premiers
temps de l’enthousiasme messianique, où l’on promettait la fin du monde à
chaque nouvel orage, la lassitude a fini par gagner les populations endormies. Le
message évangélique insistait sur le rôle déterminant de Jésus et de ses
apôtres. L’Église était en fait une assemblée de prêtres ( presbutoi , c’est-à-dire des « vieux ») imbus
de leurs pouvoirs, méprisants envers les femmes considérées comme des êtres
inférieurs. Bref, le christianisme, après avoir pourtant contribué à l’émancipation
de la femme (fille de Dieu), notamment par le renforcement du mariage et la
reconnaissance de leur fonction maternelle, prolongeait allègrement la
misogynie patriarcale des sociétés indo-européennes auxquelles s’étaient
ralliées les sociétés de type sémitique. Les mystères de la femme inquiétaient
toujours les tenants d’un pouvoir patriarcal. Comment faire pour s’en débarrasser ?
Comment faire pour les ignorer ? Assurément, les Pères de l’Église, prenant
argument du fait que Jésus n’était entouré que d’apôtres hommes (on avait
soigneusement fait disparaître l’encombrant personnage de Marie de Magdala), n’étaient
pas loin de prêcher que le Paradis promis par Jésus n’était ouvert qu’aux mâles,
et qu’en tout état de cause, les problèmes religieux n’intéressaient que les
hommes.
    C’était faire abstraction du substrat païen résiduel, notamment
au Moyen-Orient et dans les pays celtiques, où l’image de la déesse avait
laissé quelques souvenirs dans les esprits. Quelque peu déroutés par le
caractère androcratique du nouveau Dieu qu’on leur présentait, les peuples
nouvellement christianisés n’eurent qu’une idée en tête : se chercher une
figuration féminine qui ne fût pas aussi distante et aussi intransigeante que
le Yahvé biblique, même revu et corrigé par le « bon » Jésus, venu
prêcher, on le répétait, la charité et l’amour universel. C’est une réaction
naturelle. En face d’un Dieu tout-puissant et qui fait peur, on cherche un
médiateur, ou plutôt une médiatrice, un être féminin qui puisse être l’interprète
des faibles et présenter des revendications au Maître de l’univers, exactement
comme le fait la mère de famille pour ses enfants quand le père se retranche
derrière la loi et l’usage.
    Et les peuples nouvellement christianisés avec plus ou moins
d’enthousiasme et de spontanéité gardaient le souvenir d’une époque où l’on
vénérait et priait une déesse-mère. Cette nostalgie rejoignait le souvenir des
péripéties du peuple hébreu dont les maîtres ne cessaient de lutter, au nom de
Yahvé, contre les détestables figurations féminines, les idoles, qui avaient
nom Ischtar, Astarté, Tânit, Cybèle, Artémis,

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