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L'Amour Courtois

L'Amour Courtois

Titel: L'Amour Courtois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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Sion), chrétien
primitif (l’Église notre Mère) et païen (la déesse). En effet, la nostalgie de
la divinité féminine, de l’adoration de la maternité est si profondément
enracinée dans le cœur humain qu’il est impossible de l’extirper totalement. Conformément
à la loi du cœur humain et contre le dogme, le culte de la Mère de Dieu a fini par
s’imposer […] L’Artémis des Éphésiens devient ainsi la “grande, sublime, glorieuse
Mère de Dieu”. La plus belle fleur de la religion de la nature comble la lacune
la plus sensible de la religion du salut. Isis revient avec Horus dans ses bras.
Marie devient la déesse de la fécondité, de l’amour et de la beauté, la plus
noble de toutes celles que l’histoire ait jamais connues [83] . »
    Voilà donc l’image – et le culte – de la déesse-mère restaurée
en l’honneur de Marie, mère de Jésus, haussée au rang de Théotokos . Mais là non plus, il n’y a rien de
nouveau. La Vierge à l’enfant a beau faire partie d’une iconographie et d’une
pensée qui appartiennent de droit au christianisme, ce n’est certes pas une
invention des chrétiens. On en relève des quantités innombrables dans toutes
les traditions qui ont précédé le christianisme. Dès l’époque préhistorique, un
groupe formé de la déesse-mère et de son fils était vénéré en divers pays, notamment
en Crète, en Russie méridionale, chez les Hittites et en Phrygie. Chez les
Celtes, à la période précédant immédiatement la romanisation de la Gaule, apparaissent
des groupes de « matrones », rangées par trois (la triade étant un symbole
typique des Celtes), avec un enfant sur les genoux. Dans ces représentations, la
souveraineté de la mère n’est aucunement amoindrie comme elle le sera plus tard
dans le christianisme, où l’on assiste à un renversement de polarité : le
fils est devenu le dieu, et la mère n’est que l’instrument de la naissance. Au
contraire, chez tous les peuples anciens, la déesse garde toute sa plénitude et
le fils lui est nettement subordonné. Il est probable qu’il s’agissait d’ailleurs
d’un fils symbolique, le groupe représentant seulement, de façon concrète, le
concept de maternité dont on entourait la divinité. Plus tard, tout au moins
dans le bassin Méditerranéen où s’opère le grand bouleversement qu’est la prise
de conscience et de contrôle du mâle sur la femelle, la Mère sera représentée
avec deux enfants de sexe différent, et ce changement se traduit par le mythe
de Lêto (Latone), mère d’Artémis (Diane) et d’Apollon.
    Il n’en a pas toujours été ainsi. La déesse-mère primitive, d’abord
seule, s’est parfois dédoublée en deux personnages féminins dont on a fait la
mère et la fille. C’est le mythe de Déméter et de Korê, c’est-à-dire de la
dyade formée d’une déesse âgée et d’une autre déesse plus jeune. Cette dyade
est commune aux mythologies des Grecs, des Latins et des Étrusques, mais on
peut la retrouver au Japon, à propos de la déesse Amaterasu, laquelle est
souvent accompagnée de son double, signification évidente d’une déesse du
soleil couchant (Amaterasu elle-même) prolongée par la déesse du soleil levant.
Mais à partir du moment où se produit le renversement de tendance, la fille devient
un fils. C’est ainsi que s’organisent les mythes d’Ischtar et de Tammouz, d’Astarté
et d’Adonis, d’Isis et d’Horus. Ces mythes sont en réalité parfaitement
identiques. Ils comprennent « une descente aux enfers qui suggère une mort
suivie de résurrection, et une dyade formée par deux divinités d’un âge
différent. Mais tandis que Déméter et Korê sont deux déesses, Astarté et Adonis
sont de sexe différent. On passe ainsi de la dyade féminine au couple bisexué. C’est
l’application de ce principe que la fécondité exige l’union des deux sexes [84]  »,
alors qu’autrefois la fécondité se trouvait être du domaine exclusif du sexe
féminin. Et, toutes proportions gardées, c’est ce nouveau couple hétérosexuel
que nous retrouvons dans le couple infernal de la fin’amor  :
la dame est symboliquement plus âgée que son chevalier-amant parce qu’elle est
le but à atteindre et se trouve de ce fait sur un plan supérieur.
    Mais quoi qu’il en soit, la Vierge Marie a hérité de cette
tradition ancestrale, et on la représente avec Jésus dans la même attitude que
la déesse-mère préhistorique.

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