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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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l’on massacrera les patriotes. »
    Il venait au club à la suite de Mirabeau. Plus violent que celui-ci, il poussait ouvertement à l’insurrection. Il portait dans ses poches des petits pistolets dits « coups de poing », car il se disait surveillé par des espions de police, et craignait d’être arrêté. Robespierre l’écoutait avec sa réserve habituelle, sans le prendre très au sérieux, semblait-il. Comme Claude essayait d’obtenir quelque clarté sur ce volcanique personnage, le petit homme d’Arras répondit brièvement : « C’est un garçon aimable, avec une tête un peu folle. Nous étions condisciples, à Louis-le-Grand. Je l’y ai toujours connu assez exalté. »
    Claude apprit ainsi que Robespierre avait fait ses études à Paris. Cela ne fournissait guère de lumière quant à Desmoulins. Ce jeune homme assez négligé, aux cheveux sombres, sans poudre, bouclant librement, maigre, pas beau, le teint brouillé, mais le nez spirituel, le front large et bien modelé, avec des yeux noirs ardents, où pétillait toute la vivacité de l’âme, une bouche non moins vivante, tantôt narquoise, cruellement ironique, tantôt adoucie par les expressions d’une grâce quasi féminine, intriguait Claude, le repoussant et le séduisant tout ensemble. Il l’irritait au plus haut point par sa façon de n’appeler jamais la Reine que « la femme du Roi », « l’Autrichienne », voire « Messaline ». De plus, Desmoulins, avec son emportement révolutionnaire, l’inquiétait. Il lui apparaissait comme un ministre de cette violence dont il avait vu le premier essai dans le faubourg Saint-Antoine. Plus besoin de chercher le ressort de l’émeute. Sans doute avait-elle eu des organisateurs, mais sa source se trouvait en Desmoulins et ses semblables – les Loustalot, les Carra – dans l’exaltation furibonde de leurs propos ou de leurs écrits, dans leurs appels à l’égorgement des « étrangers », des aristocrates, des spéculateurs, des riches – appels particulièrement claironnants chez Desmoulins qui avait, à vrai dire, le génie de l’éloquence provocatrice. Ce génie n’était-il pas quelque peu stipendié ? Desmoulins traînait un peu trop dans l’ombre de Mirabeau : une ombre éminemment suspecte. Le mantelet du tiers, attaché aux épaules du comte, couvrait de la pourriture, et la couvrait mal. Elle grouillait autour de lui, parmi les femmes, les filles, les joueurs, les débauchés de toute espèce, dans une odeur d’argent mal gagné. L’esprit aurait eu peine à ne point rapprocher ce milieu du milieu Orléans : le tribun taré, obsédé par tant de besoins, et le prince ambitieux, riche de tant de ressources. Le journal dans lequel M. de Mirabeau semblait assouvir ses rancunes bien plus qu’obéir à l’intérêt de « ses commettants », avec quoi se faisait-il ? Un peu de cet argent ne payait-il pas aussi l’imprimeur de Desmoulins – dont l’intolérance patriotique et la xénophobie supportaient fort bien que le duc d’Orléans, grand-maître de la maçonnerie, fût en France le zélateur des intérêts anglais. En revanche, il y avait chez ce garçon une sensibilité, une gentillesse, une spontanéité d’expression affectueuse auxquelles il eût été très difficile de résister. Ses contrastes étonnaient Claude, pris malgré tout à l’amitié que l’inquiétant et charmant Camille lui manifestait depuis la séance du jeu de paume. Dans une de ces effusions, Camille, débordant de mélancolie, s’était avoué amoureux et inquiet. « Ah ! si vous saviez, mon bon ami ! » Il aimait une jeune fille, une adorable blonde, parangon de toutes les qualités, qu’il voyait au Luxembourg accompagnée de sa mère. Il croyait bien sa passion tendrement partagée. La mère le considérait avec bienveillance. Hélas ! il sentait trop qu’un garçon sans fortune, sans avenir au barreau à cause de ce maudit bégaiement, avec pour toute ressource les promesses de sa plume n’aurait nulle chance auprès du père : premier commis au Contrôle général des finances.
    « Ne lui avez-vous donc point encore parlé ?
    — J’attends un peu, répondit Camille. Momoro m’imprime un ouvrage : La France libre, sur lequel je compte beaucoup. Il va paraître ces jours-ci. Peut-être me donnera-t-il assez de célébrité pour faire effet sur M. Duplessis. »
    Claude, touché par ces confidences, faillit dire qu’il pouvait particulièrement

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