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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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de chez nous ? Au lieu de sa bienveillance non dénuée de dédain, au lieu de sa présente colère, que ne montrait-elle aux représentants de ce peuple – comme Lise au mari qu’elle avait méprisé et sans doute détesté – un désir de connaissance, de compréhension ? On voulait l’aimer, on le lui avait fait voir. Que ne s’approchait-elle, au lieu de reculer, de répondre aux preuves d’amour par des coups !
    Occupé de ces pensées, fiévreux, quelque peu abruti par son rhume, Claude restait seul sur la banquette, au milieu des autres députés qui discutaient en groupes. Il fouillait ses poches à la recherche d’un mouchoir propre, lorsque des exclamations lui parvinrent. On criait : « Découvrez-vous !… Chapeau bas ! Chapeau bas ! » Il se leva. C’était à Dreux-Brézé que s’adressaient ces injonctions. Le marquis arrivant, sa baguette à la main, les dédaignait. Il s’avança vers Bailly pour lui intimer d’une voix claire :
    « Monsieur, vous avez entendu l’ordre du Roi. Séparez-vous. »
    Bailly répondit confusément par quelques mots qui se perdirent dans le tollé d’indignation. Déjà Mirabeau, fonçant comme un buffle, écartait tout le monde. Il se campa devant le maître des cérémonies, lui lança une apostrophe grondante. Claude en saisit des bribes : «… volonté du peuple… Pour nous chasser d’ici… employer les baïonnettes. » Dreux-Brézé à son tour hésita, comme Bailly. Ces baïonnettes évoquées par Mirabeau étaient là, dans la rue. Il suffisait au marquis d’un geste pour appeler les soldats, faire évacuer la salle. Nul n’aurait vraiment résisté, Claude le savait bien. Il attendait, un peu détaché dans son abrutissement. Dreux-Brézé allait-il oser ? N’oserait-il pas ? « Eh, merde ! » lâcha-t-il, et il tourna les talons en disant qu’il allait informer Sa Majesté.
    Il y eut encore un instant de confusion. Tout restait suspendu. Sieyès, quittant Mirabeau avec lequel il parlait, fit face.
    « Sommes-nous les représentants du peuple ou les serviteurs du Roi ? demanda-t-il de son ton uni, avec son accent de Fréjus. Messieurs, vous êtes aujourd’hui ce que vous étiez hier. Délibérons.
    — Fort bien, dit Claude à Montaudon qui revenait s’asseoir. Délibérez. Pour moi, je vais au lit, je n’y tiens plus. »
    Quand Dreux-Brézé rendit au Roi la réponse de Bailly – il avait dit : « Il ne me semble pas que la nation assemblée puisse recevoir d’ordres » – et celle de Mirabeau, la colère saisit Louis XVI, mais son apathie reprit bientôt le dessus.
    « Ils veulent rester ! Eh bien, foutre ! qu’ils restent ! « s’écria-t-il, à peine moins grossier que Dreux-Brézé.
    Le mot courut. Montaudon le rapporta à Claude en train de transpirer sous un édredon après s’être abreuvé de vin chaud à la cannelle. René raconta également que Mirabeau avait fait proclamer solennellement leur inviolabilité à tous. Necker ayant voulu donner sa démission, la Reine elle-même l’avait conjuré de ne point partir. « Du coup, ajouta-t-il, la foule la couvre d’acclamations, en ce moment, elle, le Roi et le nouveau Dauphin.
    — Tu vois, dit Claude en essuyant la sueur sur son visage. Elle est capable de bons mouvements. »
    Il dut garder le lit ou la chambre deux jours. Quand il revint à l’Assemblée, les jambes un peu molles, il y trouva un nouveau contingent du clergé plus quarante-sept députés nobles, dont le duc d’Orléans. Le surlendemain, le Roi ordonnait la réunion des trois ordres.
    Le public accueillit la nouvelle par des manifestations de joie, d’amour pour Sa Majesté. Cependant, au Club breton, personne ne prenait le change sur cette capitulation. L’irréductible champion de l’aristocratie : Cazalès, l’orateur de la Cour, n’avait-il pas proclamé au château que désormais il fallait défendre la royauté contre le Roi ? Sans aucun doute, la tentative d’autorité légale ayant échoué, on allait recourir à la force. Les députés de l’Est savaient, par la correspondance avec leurs commettants, que des troupes prélevées sur les garnisons de la frontière arrivaient à marches forcées. Trois régiments d’infanterie, trois de cavalerie stationnaient déjà sous Paris ou dans les environs. « Des mercenaires suisses ou allemands les auront bientôt rejoints, déclarait Camille Desmoulins, et ce jour sera celui d’une nouvelle Saint-Barthélemy où

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