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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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assistants n’étaient pas en situation de taper dans leurs mains, mais chacun criait. « Bravo ! bravo ! » répétait Barnave en interrompant ses exclamations pour réclamer de quoi écrire. On lui passa le nécessaire. Tandis que continuait le tumulte enthousiaste, il appuya une feuille de papier au mur contre lequel Le Chapelier et lui se trouvaient coincés. À eux deux, ils reconstituèrent à peu de chose près la formule lancée par Mounier. On fit passer la feuille, de proche en proche, à Bailly. Il la lut dans le silence, d’une voix émue, digne, solennelle. L’émotion fut alors aussi respirable que l’odeur de chien mouillé. Les mains qui le purent se levèrent. Au milieu d’une explosion de vivats, six cents bouches confirmaient l’engagement. Dehors, la foule grossie malgré la pluie, et communiquant avec le public de l’intérieur, apprenait ce qui se passait. L’audace, la fermeté de ce serment opposé à la menace des fusils, frappait tout le monde. Pendant que, se frayant avec peine un passage parmi ses collègues, chaque député – moins un qui s’affirma opposant – venait signer la déclaration sur le banc même où Bailly l’avait lue, on entendait monter autour des murs un grondement joyeux. Le cri de « Vive le Roi ! » se mêlait aux cris de « Vive l’Assemblée ! » En effet, dans l’esprit du peuple, comme dans celui des députés, le serment n’était pas dirigé contre le Roi, bien au contraire, mais contre la Cour.
    Claude se redressait après avoir à son tour signé la feuille, lorsque quelqu’un le serra aux épaules en s’écriant : « Ah ! monsieur !… hon… hon… quel trait du cœur ! »
    Claude reconnut le jeune homme en habit puce qu’il avait entendu au Palais-Royal, le lendemain de l’affaire Réveillon. Il l’avait revu maintes fois, de loin, soit dans les tribunes de la salle des Menus, soit en compagnie de Mirabeau, soit même avec Robespierre dont il semblait être un ami – bien que Robespierre n’en eût jamais rien dit. Claude n’en savait pas moins à présent que ce jeune homme était Camille Desmoulins, avocat comme lui, auteur d’une brochure répandue jusqu’à Limoges : Philosophie du peuple français, gazetier, secrétaire de Mirabeau qu’il aidait à publier son Journal des États généraux supprimé par Necker et repris sous le titre de Lettres à mes commettants.
    « Monsieur, observa Claude un peu ébahi, ce n’est pas moi qui ai donné la formule du serment.
    — C’est… hon… c’est vous qui avez préparé les esprits, répondit Desmoulins butant toujours un peu sur les mots. Vous avez provoqué la plus noble et à la fois la plus cinglante riposte à la férocité de cette tourbe d’étrangers. »
    Pour lui, comme pour Sieyès d’ailleurs, tous les nobles étaient des « Allemands » descendant des envahisseurs barbares. Ils les unissaient avec la Reine : l’Autrichienne, dans une aversion haineuse qui épargnait à peine le Roi, allemand lui aussi par sa mère, Marie-Josèphe de Saxe. « Après ce serment, ajoutat-il, la Cour ne peut plus rien contre les Français, sinon employer ouvertement la violence. Dans ce cas, nous soulèverons le peuple. »
    La Cour pouvait effectivement frapper un grand coup ; elle disposait de troupes nombreuses, dociles, puissantes. Parler de leur opposer le peuple ressemblait singulièrement à une gasconnade. Que ferait-il, sans armes ? Claude s’attendait à être arrêté, avec les principaux de ses collègues. Il l’écrivit, un peu dramatiquement, à Lise. Il avait, pour un jour, perdu son sens de la mesure avec son habituel esprit critique. En réalité, la Cour ne tenta rien – hormis ses mesquineries coutumières. Tout son génie se borna, dans la pauvre cervelle du comte d’Artois, à retenir le jeu de paume afin d’empêcher une autre réunion. De nouveau, sous le ciel maussade, on repartit en cohorte par les rues de Versailles. On siégea cette fois dans la nef de Saint-Louis, où cent quarante députés du clergé et deux de la noblesse – le marquis de Balcons et le comte d’Agoult – vinrent rejoindre l’Assemblée. La prédiction de l’abbé Grégoire se vérifiait avec juste un peu de retard.
    Le lendemain, c’était la séance royale annoncée à Claude par Robespierre. Pour cette occasion, la Cour montrait les dents. Des troupes et des gardes du corps environnaient la salle des Menus-Plaisirs. L’eau fonçait les couleurs des

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