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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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partirent aussitôt avec la délégation, et l’on se mit au travail sur la dramatique question des subsistances. Selon un état de l’Intendance, il y aurait eu à la Halle du grain pour quinze jours. Des commissaires avaient été chargés, la veille, de vérifier sur place cet état. On entendit leur rapport. Il montrait qu’il n’y aurait plus de blé à Paris sous trois jours. Une vive discussion s’ensuivit, concernant les moyens de faire entrer des farines. L’intendant Berthier était plus que suspect, mais comment se passerait-on de l’administration des subsistances ? Certains proposaient d’adjoindre à Berthier un des leurs. D’autres voulaient le destituer. La Commune n’en avait pas le pouvoir, comme le fit observer Saint-Méry. Dubon déclara qu’ils devaient aller eux-mêmes chercher le grain où il était, jusqu’au Havre s’il le fallait. Oui, seulement avec quoi le paierait-on ? Soudain, Thuriot interrompit la discussion en disant : « Ne trouvez-vous point étrange que nos envoyés ne soient pas encore revenus de la Bastille ? Ils sont partis depuis plus d’une heure. Sacrebleu ! Launay les aurait-il ?…»
    Il se leva vivement. « Il faut voir cela. J’y vais. »
    Le débat reprit. Dubon ne le suivait plus que distraitement. L’œil attiré vers les fenêtres où brillait maintenant un pâle rayon, il lui semblait entendre une rumeur, un grondement de tonnerre très lointain. C’était cependant trop régulier, trop entretenu, pour un bruit d’orage. Cela se rapprochait, cela grandissait. Saint-Méry lui aussi puis d’autres avaient entendu. Les propos tombèrent. Des électeurs se levèrent, surpris, incertains. Tout à coup, un pas précipité frappa les marches. L’abbé Fauchet déboucha dans la salle et, tout soufflant, jeta : « On a forcé les Invalides… Vingt-huit mille fusils… Vingt canons… Une colonne se dirige sur la Bastille pour y chercher d’autres armes. J’ai couru vous prévenir. Il faut prendre des mesures. Si la garnison fait donner son artillerie, ce sera une hécatombe, il ne restera pas pierre sur pierre dans le quart de la ville. »
    On lui dit que l’on avait envoyé trois émissaires, que Thuriot venait de partir à son tour.
    Des électeurs, sortis sur la place, regardaient monter vers la rue Saint-Antoine, par toutes les rues, les ruelles, le quai Pelletier, de petits groupes d’hommes en armes noyés dans un flot de badauds. On y voyait des filles du Palais-Royal, des ménagères, des gamins. Le spectacle était moins impressionnant que le bruit. On n’imaginait pas ces gens-là donnant l’assaut à une forteresse. « Des braillards et des curieux », dit l’ébéniste Mangin en rentrant dans la salle avec ses collègues.
    Sur leurs talons se précipitaient des habitants du quartier, accourant à la Commune implorer secours contre le risque justement défini par l’abbé Fauchet. Que la garnison de la Bastille, s’estimant menacée, tirât du haut des tours, et ce serait le cataclysme. Flesselles était sorti du secrétariat. On le pressait d’aller lui-même donner des assurances au gouverneur. Il ne s’y décidait pas. Les solliciteurs s’enfiévraient. « Va-t-on laisser détruire nos maisons ! » s’écriaient-ils.
    Ethis de Corny et Bonneville arrivèrent alors, annonçant qu’une grande partie des fusils pris aux Invalides avaient été remis aux officiers de la milice bourgeoise. Ceux-ci les faisaient distribuer aux districts. Là-dessus Thuriot de la Rozière revint.
    « Ce bougre de Launay a failli me jeter en bas des tours, annonça-t-il avec rudesse, et quand je suis sorti, des enragés ont failli m’écharper. Ils comptaient que j’allais leur faire ouvrir la forteresse. J’ai sommé Launay de la rendre à la milice. Il n’y consentira pas, mais il accepterait, je pense, qu’un contingent se joigne à la garnison pour garder de concert la Bastille. C’est le seul moyen d’éviter une conflagration. Il convient d’agir vite. Pour l’instant, les canons sont reculés, masqués. Le gouverneur et la troupe ont juré qu’ils ne tireraient pas si on ne les attaque point. Ils sont effrayés, là est le péril. De fait, ils ne risquent rien : il y a plus de badauds que d’assaillants sur la place, et ce n’est pas avec des fusils qu’on la prendrait. Envoyons…»
    Le crépitement d’un feu de mousqueterie lui coupa la parole, suivi de salves. Flesselles pâlit. L’abbé Fauchet s’était

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