Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
Vom Netzwerk:
Claude devinait que le complot visait surtout Marie-Antoinette. Elle incarnait la résistance. Les libellistes redoublaient sur son compte d’insultes et d’ignominies. Ils la traînaient dans la boue ; ils faisaient avec les plus obscènes détails le tableau de ses débauches en compagnie des anandrynes célèbres à Versailles et à Paris, de son libertinage avec M me  de Lamballe à laquelle, disaient-ils, elle rendait ses faveurs érotiques depuis que s’étaient enfuies ses plus chères tribades : les Polignac. « Lubrique Antoinette, femme plus scélérate que les Médicis et les Messalines ! » tonnaient-ils. Ils avaient réussi à la rendre odieuse au peuple crédule qui gobait tout cela. Hélas, elle s’était rendue odieuse elle-même, à de meilleurs esprits, par son mépris pour ceux qui eussent voulu l’aimer, par ses injures, son orgueil, son opposition systématique aux souhaits d’un peuple entier, par sa désastreuse influence sur le Roi auquel elle dictait les mesures les plus dangereuses pour la nation et pour la monarchie elle-même. Le revirement de Louis après sa visite à Paris provenait d’elle, on le savait trop. Si le principe d’une monarchie constitutionnelle commençait à paraître impossible à quelques esprits, si l’on parlait de république, elle en était la cause. Elle s’était faite, involontairement sans doute mais périlleusement pour tout le monde, le mauvais ange de la France. Claude ne pouvait lui pardonner d’avoir gâché tant d’espoirs. Pourtant il ne pouvait non plus oublier les émois qu’elle avait suscités en lui. Il s’inquiéta ; il savait que Du Port, Barnave, Alexandre de Lameth incitaient les gardes-françaises à venir ici se substituer, par la force s’il le fallait, aux gardes du corps. Il demanda franchement à Barnave quel était leur dessein.
    « Tout simplement, mon cher Claude, de soustraire le Roi à un entourage essentiellement aristocratique, de le mettre aux mains de la Révolution, pour qu’elle reste monarchiste. Le mieux, si c’était possible, serait de le transporter à Paris, au milieu du peuple. Chacun, je le crois sincèrement, y gagnerait.
    — Est-ce là tout, vraiment ? » dit Claude regardant bien en face son ami.
    Les yeux clairs ne cillèrent point. « Tout, soyez-en sûr. En vérité, ajouta Barnave avec une espèce de sourire, je pense que Laclos nourrit des intentions très dignes de sa Merteuil. Nous ne les lui laisserons pas réaliser, quoi qu’il arrive. Nous avons nos hommes à nous parmi les agents d’Orléans. »
    Rentrant à l’hôtel pour dîner, Claude trouva une lettre de Lise. « Votre absence se fait bien longue, lui disait-elle. Ne reviendrez-vous pas bientôt, mon ami ? Oui, je le sais, votre tâche n’est point terminée et l’avenir de notre pays a plus d’importance que nos sentiments personnels, surtout que les nervosités d’une femme. Je m’efforce d’être patiente, mais j’ai grand besoin de vous voir, de vous parler, de savoir en face de vous ce que je pense. Je suis retournée chez mes parents, car je ne pouvais plus supporter l’insolente sottise des amis de Thérèse. Mon père semble avoir fini par comprendre que notre commune affection, à Bernard et à moi, ne peut donner d’ombrage à personne ; il nous laisse maintenant en paix. Je ne suis pas malheureuse, mais pas très heureuse non plus. »
    Claude ne balança qu’un instant. Trop de fois, il avait laissé passer l’occasion de faire un saut jusqu’à Thias. Il venait d’accomplir au comité de Constitution tout son travail, les articles allaient être soumis à l’approbation royale. Quoi qu’il dût se passer ici dans la douzaine de jours à venir, ce n’était pas lui qui pourrait influer sur les événements. S’il y perdait un moyen de s’illustrer, tant pis !
    « Je dois absolument me rendre à Limoges, dit-il à Montaudon. Viens-tu avec moi ? »
    René n’avait aucun motif urgent de s’éloigner. Après avoir averti ses collègues du comité, Claude alla voir son homonyme, Mounier, qui présidait en ce moment l’Assemblée. Soucieux de tout autre chose, le chef des « monarchiens » lui accorda distraitement un congé de quinze jours. « À partir de ce soir », précisa Claude.
    On était au lundi. Il coucherait chez sa sœur, pour prendre la diligence le lendemain à l’aube. Avant de quitter Versailles, il avisa son beau-frère Naurissane.
    « Attendez huit jours, lui

Weitere Kostenlose Bücher