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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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a-t-il ajouté, on va vous donner tout le pain que l’on pourra trouver dans Versailles. » Ma Louison et ses compagnes sont sorties de là royalistes, criant : « Vive le Roi ! Vive sa Maison ! » Ce qui n’a pas été du goût des commères massées à la grille. Mais vraiment pas du tout ! Ces furies ont pris Louison. Elles se mettaient en devoir de l’étrangler bel et bien avec leurs jarretières lorsque je lui sauvai la vie, pour la seconde fois, en appelant les gardes du corps et en promettant de la ramener au Roi pour qu’il lui donnât une promesse par écrit. Il le fit de bonne grâce ; il parut même au balcon doré afin de calmer les mégères. Elles partirent heureuses, dans des voitures de la maison royale, emportant à Paris les bonnes nouvelles. Maillard s’en fut avec elles et ma Louison. Je la reverrai, j’y compte bien.
    « Restait la question, plus grave, des décrets. En remontant, je trouvai notre président suppliant le Roi. Celui-ci réunit son conseil, nous attendîmes à la porte. Nous attendîmes durant cinq heures, mon bon ! On a pris l’habitude de ne plus manger, de ne plus se coucher. Je t’avoue que je soupirais quand même après mon lit. J’ai dû, à plusieurs reprises, sommeiller plus ou moins dans un fauteuil malgré les allées et venues incessantes. Pendant ce temps on se tuait un peu sur la place d’Armes. Un peu seulement. En vérité, ces deux jours ne sont pas comparables sous le rapport des victimes à ceux de juillet ni à l’affaire Réveillon. Il y aura eu moins d’une dizaine de morts ou blessés, presque exclusivement des gardes du corps. C’est autant de trop, assurément, mais ces messieurs l’avaient quelque peu cherché. Nous entendions par intervalles des coups de fusil ; on voyait de grands feux que les gens avaient allumés pour se réchauffer et sur lesquels ils faisaient rôtir la viande des chevaux tués aux gardes. Il y avait des explosions de cris. Mirabeau, paraît-il, se promenait là-dedans, un sabre sous le bras, flattant comme d’habitude la populace. C’est alors que la Cour s’est trahie : on voulait emmener Louis. Il hésitait, craignant, s’il s’enfuyait, de faire le jeu d’Orléans en lui laissant le trône tout chaud. Le ministre Saint-Priest, la Reine le suppliaient de partir. Necker s’efforçait de l’en dissuader. On a su cela depuis. Du reste, le dessein est allé jusqu’à la tentative : un peu avant onze heures, cinq voitures des écuries, avec quelques femmes de la Reine et une escorte de cavaliers en habit civil, se sont présentées à la grille de l’Orangerie. Trop tard. Les Parisiennes avaient séduit le régiment de Flandre, le lieutenant-colonel marchand Lecointre gagné les dragons. La garde nationale versaillaise n’obéissait plus à l’amiral d’Estaing, mais à ses officiers patriotes. Elle avait remplacé aux grilles les gardes du corps, elle s’était installée dans le parc même, tout autour du château. Plus de fuite possible. La nécessité est venue à bout de ce que la raison aurait dû accomplir seule. Comme, excédés d’attendre, nous avions fait dire au Roi, que nous allions nous retirer, il nous a reçus. Assis à une table, il écrivait. Il s’est levé, et, des larmes dans les yeux, a tendu à Mounier un billet ainsi conçu : « J’accepte purement et simplement les articles de la Constitution et la Déclaration des droits de l’homme que l’Assemblée m’a présentés. » C’était un grand moment. La Révolution avait enfin abouti. Nous aussi nous avions les yeux humides. Nous sentions tous combien le Roi prenait sur lui, sur ses mauvais conseillers, sur les convictions de sa femme, pour se ranger enfin à notre bon sens. Oui, ce fut un grand moment d’émotion, mon ami ; je regrette que tu ne l’aies point connu.
    « Naturellement nous nous sommes hâtés de regagner les Menus pour annoncer cette immense nouvelle. Un désordre que je renonce à te décrire nous attendait dans la salle. L’évêque, débordé, avait levé la séance. Les femmes s’étaient installées là comme chez elles, avec des voyous à piques. Des gens d’Orléans qui répandaient à pleines mains l’argent et les victuailles, leur avaient distribué du pain, du vin, des saucissons, des cervelas. Notre sanhédrin puait la vinasse, la mangeaille et la garce pas propre. Ce qui n’empêchait nullement messieurs les aristocrates de s’encanailler à cœur joie avec cette engeance.

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