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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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moment où les tambours ont battu, vers cinq heures, et où les coups de fusil ont recommencé à crépiter, une heure plus tard. C’était le moment de la relève des sentinelles. Quelques fanatiques en avaient profité pour se glisser dans la cour des Ministres. Un des rares gardes du corps demeurés au château, tirant sur ces envahisseurs, a tué une crapule, métamorphosée aussitôt en martyr. La foule ameutée s’est mise à vociférer : « À bas l’Autrichienne ! À mort la Reine ! À mort le Roi ! » et ce fut la ruée – une ruée bien dirigée, d’ailleurs, par des gens qui savaient où ils allaient et par quel chemin y parvenir. Une attaque poussait par la gauche, vers les appartements de Marie-Antoinette ; une autre, par l’escalier de la chapelle, vers ceux du Roi. La Reine, en costume succinct comme je te l’ai dit, court pieds nus se réfugier chez le Roi, alors que celui-ci essayait de se rendre chez elle par un autre passage. Enfin, ils se rejoignent chez lui, s’embrassent, attendant la mort. On apporte le Dauphin. Les brigands, furieux de n’avoir trouvé personne dans la chambre de Marie-Antoinette, se réunissent pour massacrer les quelques gardes du corps qui résistent pied à pied. Ils en tuent deux, leur coupent la tête, inondant de sang les lambris. Les survivants se jettent dans l’Œil-de-Bœuf où ils se barricadent. C’est l’ultime rempart entre les massacreurs et le couple condamné par Orléans qui, pendant ce temps, s’exhibait sur la place d’Armes, une énorme cocarde tricolore au chapeau, une badine à la main, faisant avec le sourire des largesses à la foule. Il se voyait au moins régent. Une fois encore, il comptait sans les gardes-françaises. Depuis le 14 juillet, ils ont changé d’uniforme, non point de cœur. Mieux que nous encore, ils représentent le peuple, ou plus exactement ils sont le peuple, le petit peuple. Ainsi deux fois, par leur bras, le peuple que l’infâme Orléans a cru pouvoir duper, acheter, et revendre à l’Angleterre, a ruiné tout à plat les ambitions de ce puant coquin. Ils ont rétabli la Révolution dans le respect de la loi. En deux mots, voici la chose : dans le moment que le Roi, la Reine et leurs derniers défenseurs se croyaient perdus, des soldats nationaux conduits par un sergent-major nommé Hoche prenaient à revers les massacreurs et les pillards, les chassaient du château, frappaient à la porte de l’Œil-de-Bœuf en disant : « Ouvrez, messieurs les gardes du corps. Ne craignez rien, nous sommes les gardes-françaises, nous n’avons pas oublié que vous avez sauvé les nôtres à Fontenoy. » Dès lors, tout était fini. À ce moment, je m’éveillais, non sans peine, n’ayant dormi que quatre heures. Après m’être fait la barbe, avoir avalé mon déjeuner, je sors pour me rendre à la séance, je tombe sur Mounier qui me dit : « Venez avec moi, Leurs Majestés sont en péril de la vie. » J’ai couru avertir M le comte de Provence. Savez-vous sa réponse ? «  Bah ! nous sommes en révolution, on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. »
    « Nous arrivâmes aux grilles, essoufflés. La Fayette, pâle encore de fatigue à quoi s’ajoutait l’inquiétude, descendait de son cheval blanc. Mais la foule tassée devant la grande cour et la cour de Marbre, criait : « Vive le Roi ! Vive le Roi ! Le Roi à Paris ! » Louis, au balcon doré, acquiesçant de la tête, une acclamation frénétique, passionnée, succédait aux hurlements de mort qui avaient retenti ici même deux heures plus tôt. On ne semblait plus avoir besoin de nous, nous attendîmes. La foule réclamait la Reine. Elle finit par se montrer, sans poudre, sans rouge, en simple casaquin de toile jaune, avec Madame Royale et le Dauphin. Des huées l’accueillirent. « Pas d’enfants ! La Reine seule ! » clamait-on. Elle recula. On faisait vers elle des gestes menaçants. Il y avait des fusils. Sans ses enfants, elle était privée de toute sauvegarde. La Fayette la ramena sur le balcon, et là, face à la foule tumultueuse, indécise, il eut une de ces résolutions qui peignent un homme, un geste qui l’honorera à jamais. Pour cette femme qu’il n’aime pas, qui le déteste et qui certainement ne lui en saura aucun gré, il a risqué non seulement sa vie, mais sa popularité, son pouvoir, son avenir. Il lui a pris le bout des doigts, en s’inclinant très bas devant elle pour lui baiser la main.

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