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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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définitivement clos. La définition même du souverain en témoigne : il n’est plus appelé roi de France, mais le roi des Français.
    « Un mot encore. J’ai fait une découverte étonnante. Tu ne l’imaginerais jamais. Robespierre a un frère, et même une sœur. Cet homme que l’on aurait cru sans famille tant il a l’air… seul. Un frère plus jeune. Vingt-cinq ans environ. Il loge avec lui, rue de l’Étang, depuis quelques jours. Un garçon des plus intéressants, très enthousiaste, beaucoup plus démonstratif que son aîné, pour lequel il professe une admiration sans bornes, excessive à mon avis, mais touchante. Il le tient pour un grand homme : le rempart de la Révolution dont il assurera le triomphe si ses ennemis ne le perdent point par leurs complots. Il est très attaqué, voire méchamment calomnié dans sa province où toute l’aristocratie sacerdotale et noble se déchaîne contre lui. On s’en prend même à sa sœur et au jeune Augustin. Cela expliquerait la méfiance universelle de Maximilien, son air toujours en garde, son peu d’inclination à se confier. Après l’avoir vu avec son frère, j’ai de sa sensibilité une opinion nouvelle. Et aussi de sa générosité. Nous le jugions un peu harpagon. S’il lésine sur tout, s’il se prive de ces oranges dont il paraît pourtant si gourmand, c’est qu’il lui faut entretenir son frère et sa sœur. Ils n’ont point de fortune ; le jeune homme ne gagne pas encore sa vie. Il m’a confié tout cela avec une grande ouverture de cœur en voyant que je m’intéressais à sa famille. Je t’avoue que désormais je regarderai notre Artésien d’un autre œil. »
    Claude avait lu cette longue missive avec une vive excitation d’esprit. Elle le ramenait à Versailles. Tout ce que la lettre évoquait – les lieux, les personnages – était à présent plus familier pour lui que ses amis d’ici, que Limoges. Il voyait ses compagnons habituels participant aux scènes décrites par Montaudon ; il imaginait la part qu’il y aurait prise lui-même. Certes, il ne regrettait pas son voyage, néanmoins il sentait fortement ce qu’il avait manqué. Il n’aurait certainement joué aucun rôle important, du moins aurait-il vécu tout cela. Tout à coup, il eut une sorte de révélation. Surpris de n’avoir pas compris plus tôt une vérité si banale, il demeura un moment absorbé dans ses pensées, puis, se levant vivement, il alla dans la chambre rejoindre Lise qui s’habillait pour souper avec les Dumas. « Mon cœur, dit-il, comme on peut être naïf ! Nous nous sommes tous les deux trompés sur mon compte : ce n’est pas tant l’ambition qui m’anime que le besoin de vivre fortement. Se trouver à la source des grands événements, tu ne sais pas ce que c’est. Je devais le pressentir. Maintenant, j’ai connu cette fièvre, j’en mesure la puissance. Tiens, ajouta-t-il en lui tendant la lettre, lis. »
    Il la relut par-dessus l’épaule nue de sa femme, en caressant de ses lèvres cette rondeur satinée. À un moment, il se mit à rire.
    « Ce bon René ! Il est un peu candide. La Révolution finie !
    — Pourquoi pas ?
    — Mon petit cœur, rien n’a encore été établi d’une façon pratique. Poser des principes est une chose, les appliquer en est une tout autre. Installer la famille royale à Paris ne résoudra pas la question des subsistances, pas plus que le vote de la Constitution ne résoudra la crise de l’argent. De plus, en admettant que, non pas le Roi mais la Reine, accepte sincèrement le nouvel état de choses – ce dont je doute fort –, les ennemis de ce nouvel ordre n’en seraient pas moins légion. Nous devrons lutter durement contre eux, tout en complétant notre œuvre, car des centaines de réformes découlent de celles que nous avons opérées. Je veux croire que le stade violent de la Révolution a pris fin ; je le souhaite, il n’en faudra pas moins des mois et des mois et bien du travail pour qu’elle soit un fait accompli. »
    On reparla des événements, de leurs conséquences, chez les Dumas où Bernard était également invité, avec le ménage Jourdan. Tout le monde avait écouté avec un intérêt profond la lecture, faite à haute voix par Pierre Dumas, de la relation de Montaudon.
    « C’est beaucoup que Sa Majesté ait accepté enfin la Déclaration des droits, observa Jourdan, mais si la Constitution lui reconnaît le veto, il y aura encore bien des difficultés,

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