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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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pense qu’un régime républicain provoquerait l’anarchie et serait la source des pires malheurs pour notre pays. Heureusement, rien n’est prononcé, les hommes de grande influence hésitent encore. Nous avons une dernière chance de réconcilier la monarchie et la Révolution, de conserver aux Français leur Roi. Nous y travaillons, mes amis et moi-même. Je vous conjure, madame, de nous y aider. »
    L’annonce du souper interrompit cet entretien. Barnave se retira dans sa chambre. Ce soir, les commissaires avaient chacun la sienne. Ils y furent servis. Après quoi, tandis que Barnave rédigeait ses dépêches, Pétion fit demander une audience au Roi. Il le trouva en train de changer de chemise. N’ayant pas de linge, il avait dû en emprunter une à l’huissier du palais. « Sire, dit Pétion, Madame Élisabeth m’a entretenu plusieurs fois du destin de vos gardes du corps. On doit craindre effectivement qu’à Paris ils ne subissent les fureurs de la populace. Je crois de mon devoir d’épargner au peuple un crime qui le souillerait. Avec l’aide de l’adjudant général Dumas, il serait possible d’habiller ces messieurs en gardes nationaux, et peut-être de leur fournir une occasion de s’échapper. »
    Ce fut la Reine qui répondit. La proposition lui paraissait si extraordinaire qu’elle réveillait sa défiance. Ne voulait-on pas éloigner les gardes pour les massacrer secrètement ? Remerciant Pétion d’un ton trop froid, elle dit qu’il fallait consulter là-dessus les intéressés eux-mêmes. On les fit venir. Le Roi leur transmit la proposition. Ils la repoussèrent. « Nous avons, déclara l’un d’eux, embrassé le service de Votre Majesté ; notre devoir est d’y demeurer, quels qu’en soient les risques. »
    Pétion alors, toujours flegmatique bien qu’il eût parfaitement deviné le sentiment de la Reine, s’en fut rejoindre Mathieu Dumas. Ils convinrent qu’un second siège serait installé à l’avant de la berline, où des gardes nationaux prendraient place pour protéger ces trois hommes dont on ne pouvait pas ne point admirer le courage. Après quoi, le brave Pétion se mit au lit, seul, cette fois, et heureux de pouvoir s’étendre enfin à l’aise entre deux draps frais. Ce soir, pas de cris, pas de bruit. Il allait dormir tranquille.
    Il avait demandé à l’huissier de le réveiller dès cinq heures. On partit à six, avec une forte troupe de cavalerie prise à la garde nationale meldoise. Pétion était installé de nouveau entre Madame Élisabeth et M me  de Tourzel. La petite Madame Royale vint s’établir sur ses genoux. Il pensa qu’on voulait la mettre ainsi en sécurité, et s’y prêta. Sur la banquette du fond, Barnave se tenait entre les souverains, résolu à les couvrir de son corps en cas d’attaque. Mathieu Dumas n’avait négligé aucune précaution. Les grenadiers trottant aux portières les masquaient. D’autres, sur le siège ajouté, faisaient un rempart aux gardes du corps toujours en livrée jaune. D’autres enfin, avec le postillon, chevauchaient les bêtes de l’attelage. Il avait été entendu que l’on ne s’arrêterait pas en route pour cette dernière étape. La prudence l’exigeait. Les provisions ne manquaient point, mais la chaleur coupait l’appétit. Jamais encore il n’avait fait si chaud, jamais il n’y avait eu pareille poussière. On roulait dans un nuage blanc soulevé par les sabots de toute cette cavalcade. Le soleil chauffait fortement les parois de la berline, on n’allait pas assez vite pour que le déplacement de l’air les rafraîchît un peu. Les rideaux étaient à demi baissés. On ne pouvait fermer les glaces sous peine d’étouffement. La poussière entrait, on la respirait, elle desséchait le nez, la gorge, crissait sous les dents. Le Roi cependant continuait de lire ses cartes, et, de temps en temps, buvait du vin coupé d’eau dont il offrait une timbale à Pétion. Celui-ci, les heures passant, interminables, s’étonnait que les dames n’éprouvassent aucun besoin. La voiture, prétendait-on, renfermait des commodités à l’anglaise. Si c’était exact, nul n’en fournit la preuve. En vérité, avec cette température, toute l’eau du corps s’en allait en sueur. Seul le Dauphin manifestait parfois une nécessité. Le Roi lui-même, lui déboutonnant alors le pont de sa culotte, tendait au petit garçon une espèce de grande tasse en argent. Barnave la lui tint une

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