Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
Vom Netzwerk:
Roi, venait d’être saisi, jeté à terre. Les coups pleuvaient sur lui, on allait le massacrer. Barnave s’élança. « Arrêtez, arrêtez ! criait-il à pleine gorge. Vous n’êtes donc pas français ! » Il se penchait tellement par la portière qu’il faillit basculer. Madame Élisabeth, à côté de laquelle il se trouvait, oubliant toute étiquette le saisit par les basques et s’y cramponna pour le retenir. « La France est la nation des braves, continuait-il. Voulez-vous devenir un peuple d’assassins ! » On l’entendit, on s’écarta du prêtre ; des gardes nationaux le relevèrent. La Reine, stupéfaite par la vivacité d’action de sa belle-sœur, regardait avec étonnement la jeune femme qui, un peu confuse, reprenait sa place. Le Roi exprima ses remerciements à Barnave et ajouta d’un air malheureux : « Voilà, monsieur, un bien triste voyage pour mes enfants. Quelle différence avec celui de Cherbourg ! » C’était la seule visite que Louis XVI eût faite à une province de son royaume, quand la couronne brillait encore de tout son éclat. « À cette époque, dit le monarque, la calomnie n’avait point égaré l’opinion. On peut me méconnaître, mais on ne me changera pas ; l’amour de mon peuple demeurera le premier besoin de mon cœur, comme il est le premier de mes devoirs. »
    Barnave, Pétion lui-même savaient qu’en cela Louis disait vrai. Il avait toujours voulu le bien, sans avoir jamais pris, hélas ! les bons moyens de réaliser son intention. Il eût été facile de répondre que ce voyage malheureux et les tristes scènes dont les deux enfants se trouvaient témoins, c’en était lui le responsable, qu’il avait trompé La Fayette et Bailly de la façon la plus hypocrite. Barnave préféra détourner la conversation.
    « Vous n’êtes point fâché, n’est-ce pas, de rentrer à Paris ? demanda-t-il au Dauphin. – Oh ! je suis bien partout, pourvu que je sois avec mon père et maman Reine, avec ma tante, ma sœur et M me  de Tourzel.
    — Mon cher petit normand ! » dit Louis en embrassant le bambin.
    La berline s’arrêta devant le palais épiscopal, qui avait été la résidence de Bossuet, et abritait à présent un évêque constitutionnel. Le soir tombait, un dernier rayon jaunissait la tour de l’église dominant l’évêché sombre, aux lignes simples, majestueuses. Les anciens remparts, tapissés de lierre, bornaient le jardin où luisaient les feuillages d’une allée de houx. Marie-Antoinette voulut visiter le palais. Au bras de Barnave, elle vit le cabinet de l’éloquent prélat, sa chambre. Là Barnave lui parla gravement. Il lui expliqua toutes les fautes commises depuis, et avant même, l’ouverture des États généraux. Il lui montra plus en détail que ne l’avait fait Pétion – avec infiniment plus de finesse –, combien elle-même s’était trompée en s’opposant à des réformes inévitables, alors qu’il aurait fallu, au contraire, favoriser la Révolution pour la guider, pour en tenir les rênes. « Ah ! madame, vous avez entendu de biens mauvais conseils ! Quelle ignorance de l’esprit du temps, du génie français ! N’avez-vous pas senti quelles blessures vous nous infligiez en repoussant avec dédain une dévotion que nous étions prêts à vous offrir ? Le second jour des États, lorsque mon ami Mounier-Dupré vous a fait acclamer, nous pouvions fonder avec vous une alliance qui assurerait aujourd’hui la grandeur de la France et le bonheur du peuple. Que de fois j’aurais voulu pouvoir vous parler comme j’en ai l’honneur en ce moment ! »
    La Reine regardait ce jeune homme ardent, aux beaux yeux bleus, au visage ferme et hardi, qui, en deux jours, lui était devenu familier. Il incarnait tout ce qu’elle détestait encore, mais il s’imposait à son estime.
    « Quels moyens m’auriez-vous donc conseillés, monsieur ? demanda-t-elle doucement.
    — Un seul, madame : vous faire aimer du peuple.
    — Hélas ! comment l’aurais-je acquis, cet amour ? Tout travaillait à me l’ôter.
    — Madame, si moi, inconnu, sorti de ma modeste condition, j’ai obtenu la popularité, combien vous était-il plus facile, à vous, de la garder ! Combien vous serait-il aisé de la reconquérir ! Le Roi et vous avez gagné sur l’esprit de mon collègue Pétion, ses préventions reculent. Vous agiriez de même sur beaucoup d’autres. Je suis patriote, madame, révolutionnaire, mais je

Weitere Kostenlose Bücher