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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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parole à tout un peuple ; dans sa muette immobilité, il y avait encore autre chose que sa réprobation. Dubon exprimait bien l’impression générale lorsque, après avoir remis Claudine à terre, il murmura : « Tout de même ! Une telle chute ! Cela serre le cœur. »
    Sur le Grand carré, on avait bandé les yeux à la statue de Louis XV, pour figurer l’aveuglement de la royauté. Là, il y eut quelques cris : « Vive la nation ! » et quelques acclamations à l’adresse des commissaires. Les voitures franchirent le pont tournant. On le ferma derrière elles. Tout le jour, l’entrée du jardin des Tuileries avait été interdite. Tandis que la berline et le cabriolet des femmes de la Reine, avec Latour-Maubourg, contournaient le grand bassin, enfilaient l’allée centrale, Pétion vit des rangs de gardes nationaux sous les armes et en bon ordre, puis, derrière eux, une foule d’autres mêlés à des députés sortis du Manège avec des invités ou invitées. Il ne convenait pas à la dignité de l’Assemblée nationale de suspendre ses travaux pour le retour du Roi fugitif. Cependant l’impatience, le besoin de savoir, entraînaient nombre de représentants. Tout ce monde, dans un large mouvement se portait par la terrasse des Feuillants vers le petit bassin. Les voitures s’arrêtèrent là devant les grilles séparant du jardin la terrasse du château. Le soleil était près de son coucher ; il y avait douze heures que l’on roulait sans interruption. Les portières furent ouvertes, on respira un peu. Mais la garde à pied assiégeait la berline. De nouveau éclataient des vociférations. On se bousculait. Les gardes nationaux n’obéissaient plus. Ils voulaient les trois gardes du corps qu’ils s’efforçaient d’arracher à leur siège. Des baïonnettes menaçantes étincelaient. Pétion, Barnave protestèrent, appelant au respect de la loi. Ils n’osaient descendre, ne voulant pas laisser la famille royale sans protection. Mathieu Dumas s’était jeté dans la mêlée et se colletait avec les plus frénétiques. Heureusement, les députés sortis du Manège arrivaient, Claude en tête avec un collègue au nom bizarre : Corollaire. Ils s’interposèrent. La Fayette survint, à cheval. Sinon le calme, l’ordre du moins fut rétabli et les gardes du corps confiés à des mains sûres. Ils passèrent la grille. Le Roi alors mit pied à terre. Il était cramoisi, misérable dans son costume, avec de grandes plaques de sueur autour des aisselles et dans le dos. Il tenait à la main le paquet de ses cartes bien pliées. Les deux enfants descendirent derrière lui. Claude à son tour se sentit le cœur étreint en voyant paraître la Reine. Elle semblait vieillie de vingt ans depuis qu’il l’avait contemplée ainsi de tout près, à Versailles. Elle fut saluée par des murmures haineux. Deux députés, le vicomte de Noailles et le duc d’Aiguillon, s’avancèrent pour lui offrir la main. Refusant avec mépris, elle franchit le degré, encadrée néanmoins par eux. « Je meurs de soif, dit Barnave en serrant le bras de Claude. Quel voyage, mon ami ! Entrons. » À la suite de la Reine, ils pénétrèrent avec Corollaire dans le pavillon de l’Horloge. Un autre député, Menou, du comité de la Guerre, portait le Dauphin dans ses bras. Derrière eux, les gardes fermaient la grille au nez de Pétion qui, outré et voulant forcer le passage, allait se faire malmener, lorsque Claude, se retournant, vint à son secours. « Lâchez-le, voyons ! C’est Pétion. Perdez-vous la tête ? »
    Ils montèrent ensemble le grand escalier. Au premier étage, ils retrouvèrent tout le monde dans la pièce qui précédait la chambre royale. C’était absolument étrange de voir là le Roi et les siens sous l’aspect de voyageurs épuisés, en désordre, s’appuyant aux meubles. La Reine cherchait son fils, s’affolait. On la rassura en lui disant que le baron de Menou l’avait remis à M me  de Tourzel. Corollaire, d’un ton à la fois bourru et paternel, réprimandait le Roi. « Vous avez fait une belle équipée, lui disait-il. Ce que c’est, d’être mal environné ! Vous êtes bon, on vous aime. Mais voyez quelle affaire vous avez là ! » Claude écoutait, regardait. Tout cela lui semblait irréel. Barnave, Pétion, Latour-Maubourg passèrent avec le Roi dans sa chambre. La Reine, Madame Élisabeth les suivirent. Les femmes avaient emmené Madame Royale rejoindre son

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