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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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on repartit, et déjà le soleil dardait. Dans la voiture, la chaleur devint bientôt étouffante. La poussière desséchait la gorge. Le Roi et Pétion, les plus incommodés, buvaient et transpiraient à qui mieux mieux. Ils étaient côte à côte, Pétion entre Louis et Marie-Antoinette. Une espèce de familiarité s’établissait peu à peu. Le Roi avait demandé à Pétion s’il était marié, s’il avait des enfants. Tout en causant, il suivait le chemin sur des cartes militaires qu’il déployait à mesure sur son genou. « Nous sommes dans tel département, annonçait-il. Nous voilà dans tel district, dans telle commune. » La géographie l’intéressait. À un moment, il fit une comparaison entre la France et l’Angleterre, voulut parler des mœurs anglaises, s’embarrassa, rougit et se tut. Pétion, à mainte reprise depuis la veille, avait remarqué chez le Roi une difficulté à traduire des idées un peu complexes. Il ne pensait pas sottement du tout, mais il restait court en voulant s’exprimer. Le voyant rougir, le député comprit que ce gros homme était intimidé par le sentiment de ses faiblesses : sa vue basse, sa parole difficile, sa lenteur, son manque de repartie, infériorités qui le paralysaient. Quand on ne le connaissait pas, on prenait cette timidité pour de la sottise. Ils avaient tous commis l’erreur. En réalité, Louis n’était nullement imbécile ; il manquait seulement de caractère et choisissait mal ses conseils. Comme Pétion lui reprochait familièrement de se laisser endoctriner par la presse royaliste : « Je vous l’assure, répondit-il, je ne lis pas plus L’Ami du roi que L’Ami du peuple. Mais vous, monsieur Pétion, êtes-vous vraiment pour une république ?
    — Eh bien, oui, Sire, quoique, M. Barnave peut vous l’assurer, je ne sois point positivement l’ennemi des constituants. Une forme de monarchie libérale ne serait pas contraire à mes opinions. »
    Qu’eût-il dit s’il avait su que dans la nuit, à Dormans, le maire et son gendre étaient venus proposer au Roi un plan d’évasion ! Il l’avait repoussé, comptant, assurait-il, sur la sagesse de sa bonne ville de Paris. La façon dont les commissaires s’humanisaient avec lui et sa famille le rassurait. Un peu plus loin, il eut un exemple des dispositions du peuple. À quelques lieues de Château-Thierry, la berline fut arrêtée par un flot de furieux qui voulaient tuer les gardes du corps. L’escorte, trop faible contre un tel assaut, était impuissante. Barnave descendit. Invoquant avec énergie l’autorité de l’Assemblée, il réussit à empêcher ce massacre.
    À Château-Thierry même, il y eut encore un moment pénible sous les huées, les menaces, les insultes qui accueillirent la famille royale. Des trognes vineuses, suantes et féroces se pressaient aux portières. On obligea le petit Louis-Charles à crier « Vive la nation ! »
    « Un enfant ! protesta Pétion indigné. Vous n’avez pas honte ! »
    Barnave donna ordre à Mathieu Dumas de faire dégager la voiture. La Reine remercia du regard les deux commissaires. L’honnêteté, au moins, du second ne laissait plus de doute. Marie-Antoinette devint naturelle avec lui comme elle l’était, depuis la veille, avec Barnave. On roulait de nouveau sans obstacle, elle se mit à parler à Pétion de Madame Royale, du Dauphin, de la façon dont elle élevait celui-ci afin qu’il fût, un jour, un prince vertueux, sensible et juste. Elle entreprit de défendre son époux. « On blâme le Roi, dit-elle, on ne sait pas assez dans quelle situation il se trouve. On lui fait à chaque instant des récits contraires ; il ne sait que croire. On lui donne successivement des conseils qui se croisent et se détruisent ; il ne sait que faire. Comme on le rend malheureux sa position n’est pas tenable. On ne l’entretient en même temps que de malheurs particuliers, de meurtres. C’est tout cela qui l’a déterminé à quitter la capitale. La couronne est en suspens sur sa tête. Il y a, vous ne l’ignorez pas, un parti qui ne veut plus de roi, et ce parti grossit de jour en jour. »
    Pétion le savait parbleu bien. Il se demanda si la Reine disait cela par naïveté ou par rouerie. « Madame, répondit-il carrément, je suis un des chefs, si vous voulez, de ce parti. Par principes, par sentiment, j’incline au gouvernement républicain, comme je l’ai déjà dit au Roi. Toutefois, il y a certaines espèces de

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