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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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républiques auxquelles je préférerais encore l’autorité d’un prince. En tout cas, on ne peut considérer de bonne foi le parti républicain comme redoutable. Il est composé d’hommes sages, d’hommes d’honneur ; ils savent calculer, et ne hasarderaient pas un bouleversement général, car il pourrait conduire plus facilement au despotisme qu’à la liberté. » Devant Barnave qui l’approuvait parfois de la tête, il se mit à faire le procès de la Cour, en montrant les fautes commises par la monarchie.
    À La Ferté-sous-Jouarre, on trouva la paix la plus inattendue. Une lieue avant la ville s’était présenté à cheval un envoyé du maire. Celui-ci, un certain M. Regnard de l’Isle, annonçait qu’il serait heureux et honoré de recevoir les augustes voyageurs s’ils voulaient bien descendre chez lui. La veille encore, un pareil message eût fait froncer les sourcils à Pétion. Ce jour-là, il ne songea point à protester. Le Roi accepta l’offre. Une grosse foule attendait la berline, mais l’accueillit sans hostilité. Çà et là même, au passage, des têtes se découvrirent ou s’inclinèrent pendant que les voitures gagnaient une coquette demeure au bord de la Marne. Le maire s’avança pour recevoir ses hôtes. Sa femme, en avant des servantes, se tenait sur le seuil où elle fit révérence.
    « Madame, dit la reine en la relevant, vous êtes, sans nul doute, la maîtresse de maison.
    — Je l’étais avant que Votre Majesté y entrât », répondit M me  Regnard en parfaite sujette.
    En attendant le dîner, elle mena sa souveraine à une ravissante terrasse sur la Marne. Au sortir de la voiture où l’on avait eu si chaud, la fraîcheur sous les ombrages était délicieuse. La rivière se dorait entre les reflets de ses peupliers. Les dernières roses du jardin et les fleurs des tilleuls parfumaient l’air. Tout respirait ici le calme, la douceur de la vie la plus tranquille. Tandis que Mousseline et Chou d’Amour, rendus à l’instinct de leur jeunesse, jouaient dans les allées sous la surveillance de M me  de Tourzel, Marie-Antoinette causait avec Barnave et Latour-Maubourg, Madame Élisabeth avec Pétion. Il lui disait combien le Roi était mal entouré, mal conseillé. Il lui représenta, comme il l’avait fait dans la voiture en parlant à la Reine, le tort que portaient à toute la famille Royale les intrigants de la Cour, leurs manœuvres, et dans quels dangers la conduite du monarque risquait de précipiter la patrie. La princesse était attentive, elle semblait sensible aux arguments de Pétion. Il se confirma dans l’idée qu’en dépit des préjugés de naissance et des habitudes dues à une éducation de Cour, elle avait une belle et bonne âme.
    Le Roi en personne vint sur la terrasse, pour engager les trois commissaires à dîner avec lui. Plus respectueux que lui-même de l’étiquette, ils déclinèrent cet honneur, non par prudence mais par discrétion. On les servit à part. Leur repas fut fastueux.
    La relevée s’avançant, il fallut quitter ce havre de grâce. « Mon fils, dit la Reine, remerciez madame de ses attentions ; assurez-la que je ne les oublierai jamais. – Maman vous remercie de vos soins », répéta avec sérieux le petit bonhomme blond. Il ajouta gentiment : « Moi, je vous aime bien d’avoir fait plaisir à maman. »
    La grosse chaleur passait un peu quand on remonta en voiture. Il était cinq heures. Au sortir de la ville, il y eut du mouvement et du bruit. Des citoyens voulaient approcher la berline ; la garde nationale, pas très patriote dans ce district, les repoussait sans ménagement. Pétion reconnut au premier rang de la foule un collègue : le député Kervelgan, qui, fort échauffé, jurait et s’exclamait : « Pour une brute comme celle-là, voilà bien du train ! » En voyant Pétion, il lui cria :
    « Sont-ils là tous ? Prenez garde, on parle encore de les enlever. Vous êtes environnés de gens très insolents.
    — Voilà un homme bien malhonnête ! dit la Reine d’un ton mi-piqué, mi-effrayé.
    — Ce n’est rien, répondit Pétion. La brusquerie de la garde l’a mis en colère. »
    Le voyage se poursuivit sans autre incident jusqu’aux abords de Meaux que l’on atteignit avant le coucher du soleil. Une foule houleuse encombrait le faubourg ; il fallut ralentir encore. Soudain des hurlements s’élevèrent. Un pauvre prêtre, qui s’était avancé pour saluer et bénir le

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