L'Amour Et Le Temps
parfaite conformité de vues avec eux. » C’était l’adresse rédigée au club, le 21, par les constituants, après le départ de Danton : « Le Roi, égaré, s’est éloigné…». Quant à Dumas, il annonçait : « Le Département, a, sous l’impulsion du président Pétiniaud Beaupeyrat, adopté la thèse de l’enlèvement, telle que la présentait la dépêche du ministre Montmorin. Le Conseil et la municipalité l’ont proclamée le 23. La chose a été admise par toute la population, sans autre résistance que celle d’un pauvre imbécile nommé Fontaine, maître d’écriture, lequel est expulsé de Limoges par la gendarmerie, aujourd’hui même, pour avoir tenu des propos inconstitutionnels. Je partage pleinement ton avis : l’idée d’un enlèvement est un moyen raisonnable d’éviter des troubles dont nous n’avons nul besoin avec les menaces qui m’ont l’air de se préciser sur nos frontières. Ici, tout est assez calme. Les craintes consécutives au départ du Roi paraissent avoir resserré l’union entre les citoyens. » À quoi Claude, ainsi confirmé dans son opinion, répondit par cet avertissement : « Vous recevrez peut-être, à Limoges, des lettres ou des gazettes poussant les assemblées primaires à demander une convocation générale des électeurs, afin de délibérer par oui ou par non s’il convient de conserver au gouvernement la forme monarchique. Tu comprendras assurément qu’une telle consultation serait une source d’effervescence dangereuse. Je n’ai guère confiance dans le replâtrage que l’on tente, et je ne suis point ennemi d’une république, mais ce n’est pas le moment de risquer une guerre intestine quand l’étranger, comme tu le penses justement, prépare ses armes à nos portes. Il me semble à ce propos que le Département ne montre pas grand zèle dans le recrutement des volontaires nationaux pour la garde aux frontières. De l’énergie, mon cher Pierre ! Il faut agir avec vigueur. Le danger extérieur grandit sans cesse : la Cour de Russie s’est refusée à recevoir notre chargé d’affaires ; l’Espagne expulse nos nationaux, pendant que Gustave III ordonne à tous les Suédois de quitter la France ; en Autriche, en Prusse, une forte activité diplomatique est dirigée contre nous, avec la complicité des princes émigrés. Une coalition se forme, des armées se rassemblent, et nous, nous ne pouvons compter sur les anciennes troupes, dont les officiers sont pour la plupart royalistes noirs. »
Assuré de son accord avec ses commettants, Claude prit position au club contre toutes les manœuvres tendant à la déposition de Louis XVI. Malgré les exhortations cordelières, la majorité des Jacobins continuait à repousser l’idée de république. La plus grande partie des adresses envoyées par les sociétés de province l’y encourageait. Avec Danton, une fraction du club inclinait à remplacer Louis par son fils, auquel serait adjoint un conseil national. Choderlos de Laclos, redevenu influent dans cette période trouble, y poussait activement, dans l’intention de porter son maître Orléans à la présidence d’un tel conseil. Les alliances les plus singulières se formaient, se renversaient, se renouaient d’autre sorte pendant ces jours fiévreux et de plus en plus volcaniques où l’on préparait en coulisse les débats devant l’Assemblée. Elle devait se prononcer sur le sort du Roi.
Le 26, les comités de Constitution et de Législation avaient proposé, par la bouche du savant et prudent Tronchet, que le Roi et la Reine fussent avant tout « entendus en leurs déclarations » par trois commissaires. Après une dogmatique opposition de Robespierre, soutenu par Buzot et Bouchotte, les « constituants », auxquels s’associèrent Claude et Montaudon, avaient fait passer leur motion. Le soir même, les commissaires : Tronchet, Dandré, Duport, étaient allés aux Tuileries d’où ils rapportèrent des paroles dans lesquelles Claude reconnut sans peine l’habile influence de Barnave. Le Roi assurait que seul le soin de sa sécurité, le désir de mettre à l’abri sa famille, l’avaient poussé au départ. Il n’entretenait aucune intelligence avec les puissances étrangères ni avec les émigrés. Il ne voulait pas sortir de France. Au demeurant, il revenait complètement éclairé par ce voyage, assuré que l’opinion générale était pour la Constitution. La Reine, elle, ne disait rien. Se
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