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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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Limoges : un personnage sans grand caractère mais amusant par une espèce de génie du calembour et de tous ces jeux de mots que l’on aimait encore en dépit de la campagne menée contre eux, vingt ans plus tôt, par Voltaire. Il y avait surtout l’un des premiers rédacteurs de La Feuille hebdomadaire : le ci-devant abbé Xavier Audouin qui, embrassant le parti opposé à celui de l’abbé Lambertie, avait quitté tout ensemble Limoges et la soutane pour se faire gazetier patriote. Dans son Journal universel, il insérait des articles de Claude. Quant à Naurissane, à M. de Reilhac, on ne les apercevait pour ainsi dire plus. Comme bien d’autres représentants excédés de cette session interminable, hostiles à ce qui s’accomplissait dans une assemblée dont l’action ne répondait plus, selon eux, à leurs mandats, ils étaient pratiquement rentrés chez eux. De loin en loin, ils revenaient faire acte de présence et solliciter le renouvellement d’un congé quasi perpétuel. En général, Thérèse suivait son mari dans ces voyages, afin de passer quelques jours avec Lise. Elles partageaient alors le plaisir de se retrouver et le chagrin de se comprendre un peu moins chaque fois. Thérèse était plus royaliste encore que Mirabeau-Tonneau ou Cazalès : une vraie « noire ». Elle ne concevait pas comment sa petite sœur pouvait tourner de plus en plus au tricolore, se passionner pour les extravagances de « cette horrible Assemblée », aller même au club : « une caverne de fous et de scélérats ». Sa Lison devenue républicaine !
    « Ah ! quel malheur, quel malheur que tu aies épousé Mounier ! Tout vient de là.
    — Pas du tout ! protestait Lise, un peu agacée. Si tu veux le savoir, c’est moi maintenant qui le pousse. Et je l’aime.
    — Incroyable ! Tu es vraiment heureuse avec lui, tu crois ? Et Bernard ?
    — Ah ! Bernard ! Il me manque, il manque seul à mon bonheur. S’il vivait près de nous, je serais comblée. »
    Thérèse ne pouvait guère lui en donner des nouvelles. À Limoges, elle le voyait rarement, de loin. Après le départ de Lise, il serait peut-être retourné à l’hôtel Naurissane pour parler d’elle avec Thérèse. Elle-même le souhaitait, mais les Amis de la Paix, les dragons avaient mis entre M me  Naurissane et lui un fossé sans passerelle.
    Lors d’un dernier séjour, en mai, elle avait cependant pu dire qu’il était devenu officier – sous-lieutenant, croyait-elle – de cette ridicule garde de boutiquiers dont l’uniforme pourtant lui allait à merveille.
    « C’est de ces garçons qui ne se gâtent pas en devenant des hommes, car il a maintenant… combien, au fait ?
    — Vingt-six ans, dit Lise avec un sourire ému.
    — Eh bien, il reste aussi élégant de tournure, tandis que ce pauvre Mailhard s’épaissit déjà ; il deviendra gros comme sa mère. Ah ! celui-là, tu as bien fait de ne pas l’épouser ! Quoique, à tout prendre, il eût mieux valu pour toi que ton Claude.
    — Claude est bel homme, lui aussi. Du reste, il n’a jamais été question pour moi d’un mariage avec Jacques Mailhard.
    — Ton mari ! Peuh ! il prend du ventre et un double menton, tu ne t’en aperçois pas ? »
    Cette mauvaise foi fit rire Lise. Claude avait pris, effectivement, un peu de corpulence avec ses trente ans. Cela lui allait bien, cela convenait à l’homme important, à l’orateur solide dans la tribune où sa femme le voyait, non sans fierté, dresser sa belle figure noble et calme.
    Elle l’applaudit, le 3o, aux Jacobins où il défendit nettement la monarchie constitutionnelle contre les outrances des monarchistes. Il s’agissait de Bouillé. Le général traître venait d’envoyer à l’Assemblée nationale une lettre insolente, ridicule, déclarant que si l’on touchait à un seul cheveu de Louis XVI, lui, Bouillé, mènerait toutes les armées étrangères à Paris dont il ne laisserait pas pierre sur pierre. Il se proclamait, au demeurant, l’organisateur du voyage des souverains. Le Roi n’avait rien fait que de vouloir suspendre la juste vengeance des rois contre une population mutinée, se porter médiateur entre eux et son peuple. Bouillé terminait en annonçant aux députés un châtiment exemplaire. Après la lecture de ce message – lecture coupée par des rires –, l’Assemblée était passée purement et simplement à l’ordre du jour. Le soir, au club, Claude prit argument de ce

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