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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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Legendre, Desmoulins, M me  Roland demeuraient inflexibles, ces deux derniers se montraient furieusement sanguinaires. Camille ne se contentait pas de vouloir la mort du Roi, il l’insultait. Il arrangeait à sa façon le récit que Pétion et Claude lui avaient fait du retour au château. Cela donnait, sous sa plume féroce : Lorsque Louis XVI fut rentré dans son appartement aux Tuileries, il se jeta dans un fauteuil en disant : « Il fait diablement chaud ! » Puis : « J’ai fait là un foutu voyage ! Enfin, cela me trottait depuis longtemps dans la cervelle. » Ensuite, regardant les gardes nationaux présents : « C’est une sottise que j’ai faite, j’en conviens ; eh bien, ne faut-il pas que je fasse aussi mes frasques comme un autre ? Allons ; qu’on m’apporte un poulet. » Un des valets de chambre paraît. « Ah ! te voilà, toi ? Et moi aussi, me voilà. » On apporte le poulet. Louis XVI boit et mange avec un appétit qui aurait fait honneur au roi de Cocagne.
    Sur la Reine, il écrivait : Elle était descendue de voiture en suppliante ; elle monta l’escalier le nez haut et en dévergondée.
    M me  Roland, elle, n’allait pas par quatre chemins. « Il nous faut, déclarait-elle, une nouvelle insurrection, ou nous sommes perdus pour le bonheur et la liberté. La guerre civile, si horrible qu’elle soit, avancerait la régénération de notre caractère et de nos cœurs. Il faut être prêt à tout, même à mourir sans regret. » Claude n’en revenait pas d’entendre exprimer des idées pareilles par une créature qu’il avait connue un peu exaltée, et assez pédante, assurément, mais tout de même ! souhaiter la guerre civile ! chercher le bonheur de l’humanité dans des massacres ! De la part d’un Marat qui réclamait l’égorgement général de l’Assemblée et des autorités, ces extravagances n’étonnaient plus. Chez une femme aimable, une jeune mère, elles étaient effarantes. « Bah ! disait Lise avec un sourire ironique, si son mari avait vingt ans de moins, elle serait un peu plus calme. Les Condorcet lui montent la tête. Encore une autre jeune femme mariée à un trop vieil homme ! N’est-ce pas curieux que ce soit celles-là les plus déterminées républicaines ? M me °Danton ne se soucie pas tant de régénérer nos mœurs, la tendre Lucile songe avant tout à faire le bonheur de Desmoulins. »
    Condorcet, le dernier des Encyclopédistes, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, avait cinquante ans, un vieillard pour Lise. Avec son épouse de vingt-deux ans plus jeune et leur unique enfant, il habitait, sur la rive gauche, l’hôtel de la Monnaie. M me  de Condorcet était l’auteur de traductions anglaises et d’un agréable ouvrage : Lettres sur la sympathie. Elle réunissait dans son salon une société littéraire très démocrate où des monarchistes libéraux comme La Rochefoucauld, Dupont de Nemours, frayaient avec des tenants de la république, comme Bonneville, rédacteur de La Bouche de fer, Brissot, Thomas Payne : un Anglais, vétéran de l’indépendance américaine, accouru en France où il avait pris une grande influence dans les cercles démocratiques. Claude et Lise allaient parfois à l’hôtel de la Monnaie. Condorcet, dès la fuite du Roi, s’était déclaré républicain, il poussait fort à la déposition du monarque et à l’établissement d’un régime totalement démocratique, sans d’ailleurs le définir. D’autre part, il avouait à ses intimes qu’il organisait un itinéraire de fuite vers un port pour mettre sa famille en sûreté, au cas de guerre civile. Claude l’avait su et n’aimait pas cette façon d’agiter des torches sur un tonneau de poudre, en se préparant à prendre le large si l’explosion se produisait, car Condorcet, bien entendu, fuirait avec les siens.
    M me  Roland, les Condorcet, leurs amis, Buzot, Brissot entre autres, se dépensaient à écrire en province afin de faire envoyer, nombreuses, des adresses réclamant la déchéance du monarque. Claude avait déjà tenu journellement les Jacobins limougeauds au courant du départ, de l’arrestation et du retour des souverains. Ses lettres se croisaient avec celles de Nicaut et de Pierre Dumas, qui ne manifestaient aucune inclination républicaine. « Nous avons, déclarait Nicaut, reçu l’adresse de la Soèiété mère ; nous l’avons aussitôt faite nôtre. Assurez nos frères et amis de notre

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